Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Seuil critique

     

    « Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. »

     

    Un proverbe bien représentatif de la tendance du sens commun à enfoncer des portes ouvertes.

    Personnellement je vote pour lui décerner un La Palice d'honneur lors du prochain Festival du Café du Commerce.

    Mais ayant l'esprit ouvert, je veux bien entrer dans le débat. Et admettre qu'il se peut que la porte soit à double fond.

     

    Cas 1. On entend « il faut » au sens moral. Le proverbe (se référant probablement à Kant ou Kierkegaard) attire l'attention sur la nécessité de la décision éthique.

    Ouvrir ou fermer la porte, il faut choisir.

    (Remarque. Ainsi s'entend généralement le proverbe, comme en témoignent des textes fort divers) :

     

    Consigne impérative à tous collaborateurs  (excepté personnel open space) : il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, sous peine de la prendre vite fait.

     

    Règlement de copropriété.

    Article 1 : il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée.

    Article 2 : mais fermée c'est mieux, avec ce qui traîne dans le quartier.

     

    Il est écrit « il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée ».

    Un temps pour ouvrir la porte, un temps pour fermer la porte. Mais quand viennent les courants d'air ils l'ouvrent et la claquent à leur guise.

    Car le vent souffle où il veut. Et tout est vanité sous le ciel.

     

    Cas 2. On entend « il faut » comme une constatation (= il faut bien, c'est comme ça on n'y peut rien, c'est la vie voilà, fatalitas, anankê tout ça tout ça).

    Mais c'est pas simple pour autant.

     

    2a) on comprend « ou » au sens disjonctif du principe aristotélicien de non-contradiction. Il trace une ligne de démarcation entre états incompatibles de la porte.

    Ce qui est ouvert n'est pas fermé, et ce qui est fermé n'est pas ouvert. Genre il faut que cela soit ou de la prose ou des vers.

    (Remarque. Dans ce cas cela me donne raison : ce proverbe parle pour ne rien dire. Mais je dis ça je dis rien, poursuivons.)

     

    2b) on donne à « ou » un sens potentiellement inclusif. On débouche alors sur l'affirmation d'un paradoxe : le caractère de la porte est d'être à la fois ouverte et fermée.

    Et voilà que le concept de porte s'en trouve radicalement déplacé.

    Et, par contiguïté logique, ceux de mur et de frontière également.

    (Remarque. Peut être faudrait-il informer les responsables politiques et le conseil de sécurité de l'ONU de cette acception possible du proverbe ?)