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Etranger étranger

« Ce qu'il y a de haïssable à Paris : la tendresse, le sentiment, la hideuse sentimentalité qui voit joli ce qui est beau et trouve beau le joli. La tendresse et le désespoir de ces ciels brouillés, des toits luisants, de cette pluie interminable.

Ce qu'il y a d'exaltant : la terrible solitude. Comme remède à la vie en société : la grande ville. C'est désormais le seul désert praticable. Le corps ici n'a plus de prestige. Il est couvert, caché sous des peaux informes. Il n'y a que l'âme, l'âme avec tous ses débordements, ses ivrogneries, ses intempérances d'émotion pleurarde et le reste. Mais l'âme aussi avec sa seule grandeur : la solitude silencieuse. »

(Camus Carnets mars 1940)

 

« D'où vient que savoir rester seul à Paris un an dans une chambre pauvre apprend plus à l'homme que cent salons littéraires et quarante ans d'expérience de la ''vie parisienne''. C'est une chose dure, affreuse, parfois torturante, et toujours si près de la folie. Mais dans ce voisinage, la qualité d'un homme doit se tremper et s'affirmer – ou périr. Mais si elle périt, c'est qu'elle n'était pas assez forte pour vivre. »

 

« Le petit soldat espagnol au restaurant. Pas un mot de français et ce désir de chaleur humaine quand il s'adresse à moi. Paysan d'Estrémadure, combattant républicain, camp de concentration d'Argelès, engagé dans l'armée française. Quand il prononce le nom d'Espagne, il a tout son ciel dans les yeux. Il a huit jours de permission. Il est venu à Paris qui l'a broyé en quelques heures. Sans un mot de français, s'égarant dans le métro, étranger, étranger à tout ce qui n'est pas sa terre, sa joie sera de retrouver ses amis du régiment. Et même s'il doit crever sous un ciel bas et des boues grasses, ce sera du moins côte à côte avec des hommes de son pays. »

 

« Mai. ''L'Étranger'' est terminé. »

 

Commentaires

  • "La tendresse et le désespoir de ces ciels brouillés, des toits luisants, de cette pluie interminable." Ce qui y met de la tendresse, en ces jours d'automne si pluvieux qui nous privent de lumière, ce sont les feuilles ici d'or pâle, abricot là, ou roussissant.
    Camus aime souligner les contrastes, rapprocher les extrêmes, son côté "tout ou rien".

  • Belle évocation de la lumière automnale qui se réfugie dans les feuilles, quand le ciel reste gris ...

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