Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Staël l'impartiale (3/14) Une sorte de fermentation

    « Il faut avoir vécu contemporain d'une révolution religieuse ou politique pour savoir quelle est la force de cette passion (l'esprit de parti). Elle est la seule dont la puissance ne se démontre pas également dans tous les temps et dans tous les pays.

    Il faut qu'une sorte de fermentation, causée par des événements extraordinaires, développe ce sentiment, dont le germe existe toujours chez un grand nombre d'hommes, mais peut mourir avec eux sans qu'ils aient jamais eu l'occasion de le reconnaître. »

    Germaine de Staël (De l'esprit de parti)

     

    Ce passage m'en évoque fort logiquement un autre :

    « Le temps où s'ordonne un État est, comme celui où se forme un bataillon, l'instant où le corps est le moins capable de résistance et le plus facile à détruire. On résisterait mieux dans un désordre absolu que dans un moment de fermentation, où chacun s'occupe de son rang et non du péril. »

    (J.J. Rousseau Du Contrat social II,10)

     

    Je m'arrête au mot de fermentation que Rousseau emploie dans un contexte tout à fait similaire. Est-ce chez G de Staël un écho explicite à sa pensée ? Ou tout simplement le mot s'impose-t-il de lui-même, dans sa richesse métaphorique ?

    Fermentation dans le processus de vinification, de levée de la pâte à pain. La fermentation révolutionnaire veut produire une nouvelle nourriture pour le corps social, plus équilibrée, plus saine. Mais la fermentation a ses ratés. Le vin peut aigrir, la pâte retomber, la nourriture se faire pourriture.

    Ce sont ces ratés qui interrogeront Germaine. Et elle y verra l'effet du mauvais germe de l'esprit de parti.

    Je précise d'emblée qu'elle entend le terme au sens fort. Non comme le simple fait de se reconnaître d'un parti, d'une opinion, mais une sorte de fanatisme. En tous cas ici sa caractérisation en virus présent à l'état endémique dans le corps social, et que les circonstances font s'exprimer : voilà un rapprochement qui ne peut que nous parler (doublement).

     

    S'occuper de son rang et non du péril est bien le signe que le ver est dans le fruit de l'élan collectif (tant qu'on y est, multiplions les métaphores). Pour défendre ou conquérir ce rang on se situera selon une logique de rivalité et non de coopération. Le germe endémique est clairement là : désir de pouvoir, de se faire une place.

    S'il n'est pas réservé au domaine politique, et existe toujours chez un grand nombre d'hommes dit Germaine à juste raison, il est en politique, si l'on y songe, d'un illogisme scandaleux, une contradictio in terminis.

    Les partis oui, l'esprit de parti non : telle pourrait être la devise de l'organisation démocratique.

    Faute de quoi, la rivalité pour le pouvoir produit l'impuissance, rendant impossible la communauté d'action nécessaire à la construction et à la vie du corps social.