Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • A rien

    « Quelquefois on me demandait à quoi j'eusse pensé être bon, qui se fût avisé(1) de se servir de moi pendant que j'en avais l'âge*.

    -'' À rien '', fis-je. Et m'excuse volontiers de ne savoir faire chose qui m'esclave à autrui.

    Mais j'eusse dit ses vérités à mon maître, et eusse contrerôlé ses mœurs, s'il eût voulu. Non en gros, par leçons scholastiques, que je ne sais point (et n'en vois naître aucune vraie réformation en ceux qui les savent), mais en les observant pas à pas, à toute opportunité(2), et en jugeant à l'œil pièce à pièce, simplement et naturellement, lui faisant voir quel il est en l'opinion commune, m'opposant à ses flatteurs.

    Il n'y a nul de nous qui ne valut moins que les rois(3), s'il était ainsi continuellement corrompu, comme ils sont de cette canaille de gens. »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 13 De l'expérience)

     

    (1)Si l'on s'était avisé, si l'on avait eu l'idée.

    (2)En toute circonstance.

    (3)N'importe qui vaudrait aussi peu que les rois.

     

    Messieurs et mesdames du conseil en communication, si vous lisez Montaigne … (On peut rêver).

    Il ne faut pas avoir l'ouïe très fine ici pour entendre les non-dits. Regret d'une belle carrière de conseiller (qui lui aurait entre autres gratifications donné l'occasion de satisfaire à la piété filiale en accomplissant le projet formé pour lui par Papa Eyquem).

    Et plus encore regret de n'avoir pu être utile, de n'avoir pu mettre ses aptitudes (clairvoyance, jugement, sens de la modération et de la médiation), au service d'un pays qui en aurait bien eu besoin. Mais pour cela il fallait s'esclaver, manier la flatterie, bref renoncer à sa splendeur de liberté.

    Pourtant, comme je le sens peser lourd, en regrets, en orgueil blessé, en sentiment d'inutilité, ce lapidaire À rien

     

    *Ici une citation de Virgile déplorant avec nostalgie la force perdue de la jeunesse, grignotée par l'envieuse vieillesse.