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  • Freud avec Charcot (1/5) Un visuel, un voyant

    « Il trouvait dans son grand succès un juste plaisir humain et aimait à parler de ses débuts et de la voie qu'il avait prise. »

    (Sigmund Freud Charcot. Article de 1893, in Résultats idées problèmes I PUF 1984)

     

    Freud publie cet article dans la Semaine médicale viennoise peu après la mort de Charcot, dont il avait suivi l'enseignement à la Pitié-Salpêtrière. C'est un hommage un tantinet hagiographique mais totalement sincère.

    Il rend compte de l'importance de Charcot dans l'histoire de la neuropsychiatrie, et dans celle d'un certain Sigmund par la même occasion. Il s'y acquitte de sa dette envers l'un de ses principaux maîtres.

    Mais au delà, pas besoin d'être grand exégète ni psychanalyste pour lire dans cet article un autoportrait par prétérition.

    « Ce n'était pas quelqu'un qui rumine, ni un penseur, mais une nature artistiquement douée, selon ses propres termes, un visuel*, un voyant (…)

    Il avait coutume de regarder toujours et à nouveau les choses qu'il ne connaissait pas, d'en renforcer l'impression jour après jour jusqu'à ce que soudain la compréhension en surgît. Devant l'œil de son esprit s'ordonnait alors le chaos, dont le retour incessant des mêmes symptômes avait donné l'illusion (…)

    Il appelait cette sorte de travail intellectuel où il n'avait pas son pareil, faire de la nosographie* et il en était fier. »

    *en français dans le texte (= description et classement des maladies)

    Une nature artistiquement douée, tel s'est sans doute voulu Freud l'esthète (tout en étant obligé de se reconnaître plutôt du côté des penseurs ruminants). En tout cas à la fin de sa vie, c'est bien en voyant qu'il se concevra dans l'identification à Moïse (L'homme Moïse et le monothéisme 1938).

    Quant à la nosographie initiée par Charcot, il l'appliquera dans tous les volets de son œuvre.

    Nosographie des névroses, explorant les caractéristiques de l'hystérie, de la phobie, de la névrose obsessionnelle.

    Nosographie des pathologies mentales en général, classées en névrose, psychose et perversion (cf l'ouvrage éponyme).

    Son classement des comportements « normaux » sera une nosographie aussi, voyant par exemple dans lapsus, actes manqués, tics et tocs, des symptômes à déchiffrer (d'où le titre psychopathologie de la vie quotidienne).

    De même il abordera sous l'angle nosographique la religion (dans nombre d'articles et surtout dans L'avenir d'une illusion), les arts, et même la science ou la philosophie. Bref l'ensemble des productions culturelles, et de là le phénomène-même de la culture.

    En somme, il s'est toujours agi pour lui de faire apparaître le lien organique, l'absence de solution de continuité, entre pathologique et normal.