« Tu ne me demandes pas le titre ?
-Dis-le moi.
-Ça s'appelle ''Éducation européenne''. C'est Tadek Chmura qui m'a suggéré ce titre. Il lui donnait évidemment un sens ironique ... Éducation européenne, pour lui, ce sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre dans des trous, comme des bêtes …
Mais moi je relève le défi. On peut me dire tant qu'on voudra que la liberté, la dignité, l'honneur d'être un homme, tout ça, enfin, c'est seulement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel on se fait tuer.
La vérité, c'est qu'il y a des moments dans l'histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l'homme de désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d'une cachette, d'un refuge.
Ce refuge, parfois, c'est seulement une chanson, un poème, une musique, un livre. Je voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu'en l'ouvrant, après la guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu'ils sachent qu'on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu'on n'a pas pu nous forcer à désespérer.
Il n'y a pas d'art désespéré – le désespoir, c'est seulement un manque de talent. »
(Romain Gary Éducation européenne)
Cité par Jean Birnbaum dans Le Courage de la nuance