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La paresse ou le maintien (12/13)

D'après Robert, le latin pigritia s'apparente au verbe impersonnel piget. Une chose qui piget, c’est une chose qu'on a répugnance à faire, à laquelle on ne se décide pas de bon cœur.

La paresse, étymologiquement, est donc le manque d’entrain qui vous fait traîner les pieds.

« Goût pour l’oisiveté, comportement de celui qui évite l’effort », tranche Robert.

La deuxième formulation correspond bien à l’étymologie signalée, mais la première l’infléchit.

Double face : la définition en creux, négative, pas-effort, et la définition positive : goût-oisiveté. Deux points de vue sur la vie.

Le goût pour l’oisiveté implique (paradoxale logique) une dynamique de recherche, ou à tout le moins l'aptitude positive à apprécier le bien être. Autant l’oisiveté-paresse est suspectée par la morale du sens commun d’être « mère de tous les vices », autant est estimé l'otium par le philosophe.

Echapper aux occupations contraintes, à un travail sans créativité, non épanouissant, et s'ouvrir un espace de liberté d'autonomie de décision et d'action, où œuvrer aux choses vraiment importantes et essentiellement humaines : penser, créer des œuvres d’art, faire de la politique, se soucier seulement d'aimer ...

L'ennui c'est qu'y a juste un truc, oh une broutille : l'obligation de gagner sa vie.

C'est pourquoi cette oisiveté-là revendique le « droit à la paresse » cher à Paul Lafargue, pour échapper à l’aliénation de l’exploitation.

En revanche, renâcler devant tout effort, se laisser-aller, lâcher en somme, telle est la paresse-lâcheté à mettre au nombre des disgrâces capitales.

Consommation passive, divertissement décervelant.

Paresse à penser, à raisonner, à vérifier, qui nous fait gibier de désinformation et de propagande. Conformisme confortable du panurgisme.

Et ce rapport au temps fait d'ennui et d'impatience à la fois, d'incapacité à persévérer dans une construction, à tenir dans un engagement.

Évidemment question : d'où vient cette répugnance à l'être-actif ? Faiblesse, déficience physique ou mentale qui rend l’effort insurmontable ? Manque de motivation, peur de l’échec ? Complaisance et/ou tourment nihiliste dans la conviction que rien ne vaut la peine ?

Peut être radicale pulsion de mort, dirait Freud. Et Spinoza d'approuver : incapacité ou renonciation au conatus perseverare in suo esse, cet effort de se tenir dans la vie comme on maintient un témoignage : je suis qui je suis.

 

Robert étant quant à lui ce qu'il est, il termine par une citation.

« Paresse : habitude prise de se reposer avant la fatigue. » (Jules Renard)

J'imagine ce qu'il a dû bosser pour la trouver, celle-là ...

Bravo Jules, toi au moins t'es pas un flemmard.

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