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  • Le roi l'âne ou moi

    Le monde n'a jamais manqué de charlatans.

    Cette science de tout temps

    Fut en professeurs très fertile.

    D'après Robert le mot charlatan vient de l'italien parler avec emphase.

    En fait le côté fallacieux du discours charlatanesque est sa prétention performative. Le charlatan veut faire croire qu'il suffit qu'il dise pour que cela soit.

    Ça marche d'autant mieux quand il est mythomane, et croit lui-même à son discours. Ce qui arrive assez souvent.

    Excepté dans le domaine économique ou politique, où le charlatan est plutôt cynique que mythomane (mais y a des cumulards).

     

    La charlatan de la fable éponyme (livre VI,19) se vante d'avoir une méthode infaillible pour rendre disert un badaud,/Un manant, un rustre, un lourdaud.

    Autrement dit il fait commerce d'une panacée anti-bourrins.

    Justement, le prince du lieu en a un, de bourrin :

    « J'ai, dit-il, dans mon écurie/Un fort beau roussin d'Arcadie (= un âne)

    J'en voudrais faire un orateur.

    - Sire, vous pouvez tout », reprit d'abord notre homme.

    Oui ça c'est le ba ba des démagogues et autres charlatans : dire aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre. L'étonnant en revanche c'est que le prince veuille former son âne à la rhétorique.

    Quoique. Quoi de mieux qu'un âne pour embobiner des veaux ?

    Bref le prince propose un marché : il donne au mec certaine somme et dix ans pour mettre son âne sur les bancs (de l'université, pour sa thèse).

    Et si ça ne marche pas, l'homme doit être pendu.

    Le charlatan n'est pas dissuadé pour autant de toper là. Il ferait donc partie de la catégorie des charlatans mythomanes ?

    J'imagine que le prince ne s'était pas moqué de lui côté fric, parce que ça suscite les jalousies. Quelqu'un des courtisans le raille méchamment. (Mais avec beaucoup d'esprit et de drôlerie). (C'est le bon côté d'être un personnage de génial styliste).

     

    Avec la réponse du charlatan tout à coup la fable bascule, quittant le registre de satire sociale.

    L'autre reprit : « Avant l'affaire/Le roi, l'âne, ou moi, nous mourrons. »

    Un polar politique ?

    Le charlatanisme en couverture d'un espion infiltré à la cour au service d'une puissance ennemie, dans le but d'instaurer la dictature des ânes et/ou des charlatans ?

    Que nenni. Avec cette histoire d'âne, foin de satire sociale ou polar politique : tout ceci était considération existentielle.

    Il avait raison. C'est folie/De compter sur dix ans de vie.

    Soyez bien buvants, bien mangeants:/Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans.

     

    Ainsi le charlatan s'est révélé philosophe. Ce qui est moins fréquent que l'inverse.

    Et je ne veux nommer personne.