Au plan de l'écriture, le passage d'un nom à l'autre (d'El à YHWH) fait supposer la compilation de deux poèmes primitifs, l'un à la louange de la nature, l'autre à la louange de la loi, cousus ensemble au moment de la composition globale du recueil.
Remarquons que le couturier, le rhapsode qui a fait l'assemblage n'a pas cherché à effacer la couture entre les deux thèmes. Au contraire (tel un Jean-Paul Gaultier) il la stylise, la met en évidence par l'absence de transition entre les v.7 et 8.
Stylisation dont la brutitude (oui ça n'existe pas, comment on dit pour dire que c'est brut mais pas brutal ?) vient donner toute sa force au sens du texte, et à l'intention couturière du poète.
Suivons le fil de sa création.
Figurons-le à sa table de travail en train de dérouler les rouleaux du livre pour étudier la loi. Voici qu'un rayon de soleil vient s'y poser.
Lumière, chaleur, c'est beau, ça fait du bien. « Soleil toi sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont. Ça me rappelle un texte … voyons … ah voilà. »
C'est un poème (v.1-7) qui dit : la réalité du monde c'est la présence rayonnante d'El. Elle se diffuse dans l'espace-temps en vibration de vie, le soleil en est le symbole et l'agent. Il est porteur d'une énergie clairement libidinale, présenté en mâle conquérant, tout à son exultation de faire l'amour au cosmos, illuminé de son propre rayonnement (v.6-7).
Ah oui un bien beau poème …
Mais notre homme, studieux, revient au texte qu'il s'est donné pour étude : une louange à l'enseignement de YHWH (v.8-15), à l'architecture éthique de la torah, le roc sur lequel l'être humain peut se construire pour s'accomplir (cf par-fait v.8).
Texte solide c'est sûr mais moins fun a priori. Quoique ?
Alors c'est l'illumination, un soudain branchement métaphorique se fait en lui : ce soleil qui réchauffe ses vieux os (je sais pas pourquoi je le vois plutôt vieux), il est présent de la même présence dans le texte qu'il a sous les yeux (usés par toutes ses lectures) :
Le commandement de YHWH, lumineux, illumine les yeux (v.9).
Ton serviteur aussi en est éclairé (v.12)
Révolution du soleil sur son orbite, rouleaux de la torah déroulés pour la lecture, deux mouvements dont il perçoit tout à coup la similitude.
Ce sont la joie et le bien-être ressentis qui opèrent la révélation, qui donnent le critère d'interprétation (spinoziste un jour spinoziste toujours).
Il discerne dans ce double affect, plaisir du corps dans le soleil, plaisir de l'esprit dans son étude, une unique libido (freudien un jour freudien toujours) pareillement à l'œuvre en lui et dans le monde.
La parole de YHWH est coextensive à la vie, le texte de la loi se tisse sur la trame du monde.
Il décide donc, logiquement, de coudre les deux poèmes.