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Le secret douloureux

La mélancolie se nourrit d'elle-même, et c'est pourquoi elle ne saurait se renouveler.

Cioran (Aveux et anathèmes)

 

Héautontimorouménos dit Baudelaire après Térence, bourreau de soi-même, tel est de toute évidence le mélancolique. Freud en propose une explication dans Deuil et mélancolie (va relire ça, lecteur, c'est du grand Freud). Je résume vite fait.

La mélancolie est un deuil pathologique qui ne passe pas (contrairement au deuil «normal»). À l'occasion d'une perte ou séparation d'un être humain, d'un objet symbolique, l'aspirant mélancolique trouve sa solution de réparation (croit-il). Cet objet perdu, il l'incorpore à son propre psychisme : l'ombre de l'objet tomba sur le moi, dit Papa Sigmund dans une de ses meilleures fulgurances stylistiques.

La perte est ainsi annulée, sauf qu'un ressentiment envers la défaillance de l'objet persiste, et le désir de s'en venger, de le punir. Mais voilà le hic : l'objet faisant partie de soi désormais c'est contre soi que va s'exercer la vengeance, indéfiniment.

 

Quand on tombe sous le charme de la mort, tout se passe comme si on l'avait connue dans une existence antérieure, et que maintenant on soit impatient de la retrouver au plus tôt.

Comment ne pas faire le rapprochement avec ce que dit Freud (encore oui) de la tendance rétrograde de la pulsion de mort. En remontant en arrière le non-vivant était là avant le vivant (…) La tension survenue dans la substance jusqu'alors inanimée tend alors à se réduire ; ainsi était donnée la première pulsion, celle de retour à l'inanimé. (Au-delà du principe de plaisir. Chap 5)

Pour existence antérieure, le rapprochement avec Baudelaire est évident, le secret douloureux qui me faisait languir (La vie antérieure).

 

J'étais en proie à une angoisse dont je ne voyais pas comment j'allais me défaire. On sonne à la porte. J'ouvre. Une dame d'un certain âge que je n'attendais pas vraiment est là. Pendant trois heures elle m'asséna de telles inepties que mon angoisse se transforma en colère. J'étais sauvé.

Angoisse devenant colère, c'est la même pulsion de mort passant de l'auto-agression à l'agression sur autrui.

Mais ce qui me retient est plutôt ceci : au lieu d'être d'un certain âge, la dame en question aurait été jeune et jolie, gageons que, confrontée aux mêmes inepties, l'angoisse cioranesque aurait trouvé un autre dérivatif que la colère option misogynie. La pulsion de mort se serait qui sait retournée en libido

(ce qui n'aurait pas forcément écarté la misogynie, mais bon).

 

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