Le titre de Marc Aurèle (empereur philosophe, philosophe empereur) (je fais l'impasse sur le moment wikipédia) est Pensées tout court. Mais comme c'est un titre souvent pris, la traduction a fait cet ajout discriminant.
Ajout pertinent, le titre ainsi complété rend bien le mode d'être au monde, de rapport à soi et aux autres qui ressort de cet écrit :
Ce n'est pas ci ma doctrine, c'est mon étude, et ce n'est pas la leçon d'autrui, c'est la mienne (Essais II,6 De l'exercitation), comme dit pour sa part Montaigne. Lui qui chez les auteurs antiques cherche le côté personnel, et ne se prive pas à l'inverse d'ironiser sur leurs propos pédantesques.
En fait, en commençant (je n'avais jamais lu ce texte en entier, j'avoue), j'ai ressenti une déception, à la mesure du bain de sagesse revigorante et apaisante à la fois que j'en attendais.
Il y a des formules magnifiques de liberté et de simplicité, oui, mais ce côté pesant de l'idéalisme platonicien et du volontarisme stoïcien, décidément … La recherche de lâcher-prise y prend une forme appliquée, obsessionnelle. (Un paradoxe peut être pas évitable?)
Bref j'ai ressenti au premier abord un déficit de vibration, de résonance à ce texte.
« Aussi bien beaucoup de choses se retrouvent avec tellement plus de chair et d'esprit, de subtilité, sous la plume de Montaigne, tellement plus de puissance illuminatrice sous celle de Spinoza », me suis-je dit. Non sans ajouter dans cet auto-débat « qui suis-je pour faire la fine bouche devant Marc-Aurèle ? »
(Quelqu'un qui n'a pas peur du ridicule assurément) (ce qu'il aurait approuvé en fait dans son exhortation à prendre de la distance avec l'opinion).
Et puis, peu à peu, je me suis approchée. Trouvant, dans les mots du texte, (merci Traductrice*), la présence vraie, directe, la façon de cet homme complexe.
Comme avec Montaigne finalement, et quelques autres.
Tous les jours m'amuse en lire en des auteurs, sans soin de leur science, y cherchant leur façon, non leur sujet. (Essais III, 8 De l'art de conférer)
*Traduction de Frédérique Vervliet. Édition Arlea 1992.