« Ne sois pas troublé par l'avenir. Avec la raison dont tu te sers aujourd'hui pour le présent, s'il le faut, tu y arriveras. »
(Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VII,8).
Vous savez quoi : on voit que ce cher Marco n'a jamais été phobique, et je m'y connais. Le phobique est lui aussi un être doué de raison, pas de doute là-dessus. À vrai dire il serait même un peu trop raisonneur.
Car sans me vanter le phobique présente une tendance spontanée à tout voir, sous tous les angles, à décortiquer attitudes, événements, paroles. Un tropisme analytique et interrogatif qui fait de son rapport au monde un incessant QCM multi-entrées.
Un monde de « quoique », de « oui mais alors » et de « d'un autre côté ».
Genre controverses talmudiques non-stop.
Bref ma raison, contrairement à celle de Marco, est plutôt du genre à me causer style : OK jusqu'ici tu y es arrivée (quoique) (bon disons à peu près), mais comment savoir si tu arriveras à y arriver pour la suite ?
En fait plus que de raison c'est une question de confiance.
Marc-Aurèle n'a pas franchement confiance dans les autres, il sait qu'il peut toujours s'attendre à une patate (même avant Parmentier oui si je veux). Et d'ailleurs dans son job c'est mieux d'être toujours un peu sur ses gardes.
Mais il ne manque pas de confiance en lui. Il se fait confiance pour trouver la bonne réaction, la bonne réponse, pour faire ce qu'il faut.
Le phobique n'a pas confiance, surtout pas en lui-même. Il doute en toutes circonstances d'être capable de faire ce qu'il faut. Il pense plutôt (enfin il suppose) qu'il fera défaut.
Tout ça pour dire que la vie est bien faite, je frémis à l'idée que j'aurais pu me retrouver empereur romain.
Sinon un dernier truc : quand Marc-Aurèle dit que sa raison qui marche bien aujourd'hui marchera tout pareil dans l'avenir, je ne peux m'empêcher de faire entendre encore un quoique.
Ça se voit qu'il était d'un temps où l'espérance de vie ne permettait pas à certaines pathologies légèrement perturbatrices de la raison d'arriver à maturité ...
« Bientôt tu auras tout oublié, bientôt tous t'auront oublié. » (Pensées pour moi-même VII, 21)
C'est là qu'on se dit : super bonne idée d'aller chercher réconfort dans la philosophie.