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  • Par bonheur ils n'en avaient pas

    « La joie qui naît de ce que nous imaginons détruite ou affectée d'un autre mal une chose que nous haïssons, ne va pas sans quelque tristesse de l'âme. »

    (Spinoza Éthique part.3 prop.47)

     

    L'affect de haine envers une chose (c'est à dire, je rappelle*, le fait que cette chose – ou même sa seule idée – nous déprime, nous dévitalise), a pour origine un mal éprouvé à cause de cette chose.

    (Ça ne veut pas dire que le mal soit toujours voulu de sa part mais bon le fait est là).

    L'imaginer détruite ou affectée d'un autre mal est alors une réaction logique de défense contre l'abattement (prop.13 et son scolie*).

    Ça nous requinque, nous donne l'impression de regagner l'énergie perdue. Et on croit voir s'inverser le sens du curseur sur notre ligne tristesse/joie (cf À part ces trois-là).

     

    Oui mais voilà : on a tous fait l'expérience, comme Spinoza, que cela ne va pas sans quelque tristesse. Autrement dit vouloir du mal à quelqu'un, ou vouloir abîmer quelque chose, on s'en aperçoit vite, c'est à nous d'abord que ça fait du mal, c'est avant tout nous-mêmes que ça abîme.

    Et entre nous, lectrice-teur (ne le dis à personne hein), je m'autorise le cynisme de trouver que c'est dommage : sans ce dégât collatéral on aurait là un antidote idéal à tous les empoisonnements de l'existence. Non ?

    (Attention il s'agit bien de se payer en douce, à part soi, un petit plaisir d'imagination, et non de passer à l'acte d'un mal réel sur l'autre).

     

    À propos de cynisme, je me demande si Spinoza n'en manque pas un peu sur ce coup-là. Car devant certains comportements de persévérance dans la haine (entre autres ceux évoqués la dernière fois), on se demande si leurs auteurs ne sont pas en proie au masochisme d'un conatus vraiment très con ? Ou incapables de ressentir une quelconque tristesse de l'âme ?

    Si c'est la deuxième option, on doit en déduire que chez de tels bourrins il en va de l'âme comme d'une partie plus matérielle dans la chanson Hécatombe de Brassens : par bonheur ils n'en avaient pas**.

     

    *cf Parce que

    **La formule s'y applique aux cognes. Le côté gauloiserie vintage et antiflic primaire (là ce sont des gendarmes) fleurant un anarchisme vieillot (mais par définition l'anarchisme est régression) est compensé par l'humour burlesque et cartoonesque de la scène. (C'est Brassens quand même).