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(7/12) Algorithme mon amour

 

J'aime les mots du vocabulaire scientifique. Je ne sais pas dire pourquoi.

Ce n'est pas qu'ils m'impressionnent (d'ailleurs je n'aime vraiment pas ça, être impressionnée, j'ai une antipathie spontanée envers ceux dont je perçois les manœuvres en ce sens).

Je ne peux pas dire non plus que les mots scientifiques m'inspirent un respect quasi religieux genre te fatigue pas tu comprendras pas faut être initié. Je crois que c'est plutôt le contraire. Les mots scientifiques, surtout ceux du domaine mathématique (là aussi pourquoi va savoir) me rassurent, m'enveloppent.

Je les ressens comme des mots amis, familiers. Avec eux je me sens comme on dit en pays de connaissance. Étonnant, non ?

 

Parce que certes j'ai fait un peu de math dans ma jeunesse folle (si peu) (de math) (et de folie aussi en fait), mais le pays de connaissance qu'il m'en reste tient plus de Monaco ou d'Andorre que de la Russie, ou du Canada.

Côté superficie s'entend, ne rien en déduire sur ma vision géopolitique du monde.

En tout cas il y a là une certaine logique. Qui dit Monaco dit casino, qui dit casino dit jeux de hasard, qui dit hasard dit probabilités, qui dit probabilités dit algorithme. CQFD.

 

Les mots de la mathématique, en outre, me sont agréables à prononcer. (Au point où j'en suis de confessions intimes, tant pis je balance tout).

Équilatéral, axiome, arithmétique, asymptote, corollaire, algèbre, abscisse, logarithme, algorithme (belles anagrammes ces deux-là).

Au moins on n'a pas l'impression d'ouvrir la bouche pour rien, les différents organes de la phonation n'y jouent pas les utilités. Il faut aimer ar-ti-cu-ler. 

 

Mais l'ennui c'est l'usage qu'on en fait en mode gafa. (Tu me voyais venir, lecteur).

Si j'aime toujours le mot algorithme, c'est désormais d'un amour blessé. J'ai perdu beaucoup de mon plaisir à le dire, à le lire.

Pire : j'éprouve pour lui une sorte de pitié.

 

Pauvre mot exilé de tes terres de pure abstraction, déchu dans le monde réel où sévissent les lois du profit (grossière antiphrase).

Et tes cyniques exploiteurs, les trafiquants de l'attention*, se revendiquent de la noble ascendance de la mathématique ta mère, alors qu'ils ne font que la prostituer.

 

Algorithme humilié, algorithme mercantilisé, algorithme dénaturé, esclavagisé, mais algorithme bien-aimé quand même.

 

 

 

*cf Bruno Patino La civilisation du poisson rouge. (Grasset 2019)

 

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