La tension constante des Essais, je ne veux pas faire de leçon, mais bon j'en fais quand même un peu (cf 8/17), en implique une autre : admettons que j'assume cette histoire de leçon, mais alors le problème c'est que
« Tel se conduit bien qui ne conduit pas bien les autres et fait des Essais qui ne saurait faire des effets. »
(III,9 De la vanité)
« Toute cette fricassée que je barbouille ici n'est qu'un registre des essais de ma vie, qui est, pour l'interne santé, exemplaire assez, à prendre l'instruction à contrepoil. »
(III,13 De l'expérience)
Je te communique, lecteur, ce que ma vie m'amène à essayer (expérimenter, tenter). Ça te servira à comprendre non tant ce qu'il faut faire, que ce qu'il ne faut pas faire.
Fishing for compliments ?
Oui, mais d'une vue oblique (cf 12) : se présenter sans complaisance permet de faire valoir ses qualités qu'il considère comme les plus précieuses, la liberté et la vérité.
« Un jugement roide et hautain et qui juge sainement et sûrement, il use à toutes mains des propres exemples ainsi que de choses étrangères, et témoigne franchement de lui comme de chose tierce.
Il faut passer par dessus ces règles populaires (communes) de la civilité, en faveur de la vérité et de la liberté.
J'ose non seulement parler de moi, mais parler seulement de moi ; je fourvoie quand j'écris d'autre chose et me dérobe à mon sujet.
Je ne m'aime pas si indiscrètement et ne suis si attaché et mêlé à moi que je ne me puisse distinguer et considérer à quartier, comme un voisin, comme un arbre. »
(III,8 De l'art de conférer)
Le juge qu'il a été (au parlement de Bordeaux) sait mener une instruction objective. Et pour cela doit s'efforcer à d'autant plus de distance qu'en l'affaire « évaluation de ma vie » il est juge et partie.
« Au pis aller, cette difforme liberté de se présenter à deux endroits, et les actions d'une façon, les discours de l'autre, soit loisible à ceux qui disent les choses ;
mais elle ne le peut être à ceux qui se disent eux mêmes, comme je fais ; il faut que j'aille de la plume comme des pieds. »
(III,9 De la vanité)