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Staël l'impartiale (4/14) Le paradoxe du fanatique

« Le pur fanatisme, dans tous les temps, et pour quelque but que ce soit, n'existe que dans un certain nombre d'hommes qui auraient été catholiques ou protestants dans le XVI° siècle, et qui se font aujourd'hui aristocrates ou jacobins.

Ce sont des esprits crédules, soit qu'ils se passionnent pour ou contre les vieilles erreurs ; et leur violence, sans arrêt, leur donne le besoin de se placer à l'extrême de toutes les idées, pour y mettre à l'aise leur jugement et leur caractère. »

Germaine de Staël (De l'esprit de parti)

 

On saisit ici toute la pertinence de la réflexion qui consiste à analyser le politique comme émanation du fonctionnement affectif. Ce qu'elle appelle pur fanatisme, c'est un engagement idéologique si dogmatique qu'il ne peut qu'induire des actes radicaux.

Avec une grande perspicacité psychologique, elle discerne ce que je nommerais le paradoxe du fanatique. Loin d'être l'homme de décision et de conviction qu'il se croit, se veut, il est en réalité un esprit crédule.

Le fanatique a profondément besoin de croire. C'est un certain suivisme qui fait le fond de son caractère. Il a besoin pour exister de s'agréger à un camp.

Durant la Révolution ce fut pour ou contre les vieilles erreurs. L'absolutisme de l'Ancien Régime, étayé par l'obscurantisme religieux : les royalistes ultras furent à fond pour, les jacobins extrémistes à fond contre.

Qu'une option fût sans conteste plus juste que l'autre masque en fait la réalité profonde qui intéresse ici Germaine : les fanatiques des deux bords ne faisaient que chercher à satisfaire le même tropisme vers la violence.

Incapable de juger sainement, dans son besoin de se placer à l'extrême des idées, dans tout l'emportement qu'il déploie, le fanatique est paradoxalement un exemple de passivité selon les critères spinozistes.

Confondant fermeté et violence, il confond la décision et l'impulsion, l'action et une agitation pas moins vaine pour être plus meurtrière.

 

On peut émettre l'hypothèse que le fait d'être femme est pour beaucoup dans la justesse de cette analyse. Le fanatisme peut être vu comme une caricature du fonctionnement social valorisé pour les hommes, du jugement et du caractère que la société propose en guise de comportement prétendu viril.*

Analyse certes pas périmée, des rivalités grotesques entre acteurs de la vie politique, au plan national comme international, au sanglant fanatisme religieux qui n'a rien a envier à celui dont Germaine prend l'exemple au XVI° siècle.

 

 

*Dans Le coût de la virilité (Anne Carrière 2021), Lucile Peytavin montre comment cette acculturation virile par la violence est un énorme gâchis humain, social, financier. Pour les femmes ce n'est pas à démontrer, mais pour les hommes aussi, car elle leur barre la route d'une virilité harmonieuse et heureuse.

 

Commentaires

  • Du fanatisme à l'extrémisme, on aurait du mal à dire lequel mène à l'autre, tant ils sont proches.

  • C'est vrai, ils se nourrissent mutuellement. Le fanatisme comme attitude psychologique de fond, l'extrémisme comme positionnement politique (ou autre) induit.
    Merci, Tania, de suivre de près ce parcours !

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