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  • Staël l'impartiale (6/14) Du plomb dans les Lumières

    « L'homme éclairé, qui d'abord adopta la cause des principes, parce que sa pensée n'avait pu s'astreindre à respecter des préjugés absurdes, alors qu'il embrasse une vérité avec l'esprit de parti, perd la faculté de raisonner ainsi que le partisan de l'erreur, et bientôt emploie des moyens semblables.

    De même qu'on a vu prêcher l'athéisme avec l'intolérance de la superstition, l'esprit de parti commande la liberté avec la fureur du despotisme. »

    Germaine de Staël (De l'esprit de parti)

     

    Cette analyse désabusée m'évoque le vers de Racine dans Athalie :

    « Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé ? »

    L'esprit des Lumières sur lequel s'étend l'ombre d'un néo-obscurantisme, l'esprit de liberté que pervertit un néo-despotisme : c'est sur ce scandale que ne cessera de buter Germaine, comme actrice de la Révolution de France.

     

    Elle en trouve l'explication essentiellement dans l'esprit de parti. Comme je l'ai déjà dit (cf 3/14), il faut différencier la structure de parti de l'esprit de parti au sens qu'elle lui donne.

    La structuration de la société en partis* est une façon de formaliser les antagonismes et les divergences d'intérêt qui la traversent. Ces partis, dans leur fonctionnement disons normal, éthique, sont alors les outils du débat démocratique. Ils ne sont qu'un lieu de médiation pour la bonne tenue de ce débat.

     

    L'esprit de parti, lui, consiste à déserter la position médiatrice et de ce fait polarise la société. On passe d'oppositions entre opinions, de divergences de conceptions, à même d'être discutées, argumentées, à l'antagonisme viscéral d'un nous/eux.

    La question n'est plus de formuler des propositions pour faire vivre au mieux l'ensemble du corps social, mais de gagner des adeptes, de former des bataillons pour partir en guerre contre "eux".

    L'esprit de parti transmute une république de citoyens en un ensemble désordonné de clans rivaux.

     

    Comme dans les mots raciniens, c'est une alchimie à rebours qui se produit. À rebours de celle rêvée par Rousseau :

    « À l'instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d'association produit un corps moral et collectif composé d'autant de membre que l'assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. »

    (Du Contrat social I,6 Du pacte social)

     

    *Au sens large : non seulement partis politiques, mais syndicats, associations, groupes d'intérêt, de réflexion ...