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La passion de la raison (6/22) Le moins d'égoïsme

« Tout le monde croit avoir eu de l'amour, et presque tout le monde se trompe en le croyant ; les autres passions sont beaucoup plus naturelles, et par conséquent moins rares que celle-là ; car elle est celle où entre le moins d'égoïsme. »

(G de Staël. De l'influence etc. Note qu'il faut lire avant le chap De l'amour)

 

On va lui laisser la responsabilité de la première partie de cette affirmation. Quoique. Si l'amour est la passion où entre le moins d'égoïsme, qui peut dire sincèrement qu'il a vraiment aimé ?

La définition de l'amour comme contraire de l'égoïsme m'évoque surtout la conception freudienne de la dynamique psychique : elle se joue dans la tension entre pulsions d'auto-conservation et pulsions libidinales.

Pour schématiser, disons que la libido travaille à investir le territoire occupé par le souci de soi (d'abord angoisse primitive devant le monde-non-soi, puis de là narcissisme) pour y faire entrer l'intérêt pour l'autre, le goût des autres.

Dans Malaise dans la culture, Freud considère que la libido est ainsi, de proche en proche, une force d'association, qui permet d'initier la construction d'ensembles de plus en plus vastes.

On peut donc dire que l'amour a d'emblée un rapport avec le fait politique au sens large. Ce qui donne raison à la perspective staëlienne qui lie fermement les niveaux individuel et collectif des passions.

 

Elle poursuit en signalant les confusions possibles sur la définition de l'amour, avec des exemples littéraires, des Anciens jusqu'à Goethe ou Rousseau.

Par rapport aux autres affections du cœur, poursuit-elle

« L'amour seul nous est représenté, tantôt sous les traits les plus grossiers, tantôt comme tellement inséparable ou de la volupté, ou de la frénésie, que c'est un tableau plutôt qu'un sentiment, une maladie plutôt qu'une passion de l'âme. »

 

Germaine de Staël, on le sait, a eu une vie amoureuse intense, aussi intense que sa vie littéraire et politique. Comme en politique, elle a tenté de la vivre en associant l'engagement et la lucidité (ne s'aveuglant ni sur ses défauts ni sur ceux de ses maris et amants).

En fait elle a synthétisé en théorie comme en pratique les trois composantes de l'amour repérées depuis Platon :

éros (amour sensuel, passion au sens courant), agapê (amour oblatif où entre le moins d'égoïsme), et philia (amour-amitié, compagnonnage, collaboration).

Une philia qui serait peut être le plus exact opposé de l'esprit de parti.

 

Bon, cela étant, l'amour sera pour plus tard.

... Non non pas d'angoisse, lectrice-teur, je veux juste dire plus tard dans notre lecture (au n°12 si tu veux tout savoir).

 

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