La section II de De l'influence des passions sur le bonheur des individus et des nations, G. de Staël l'intitule
Des sentiments qui sont l'intermédiaire entre les passions et les ressources qu'on trouve en soi.
En voici le plan.
Chap 1 Explication du titre de la seconde section.
Chap 2 De l'amitié.
Chap 3 De la tendresse filiale, paternelle et conjugale.
Chap 4 De la religion.
Arrêtons-nous sur le mot intermédiaire : qu'est-ce à dire ?
Ce qu'elle nomme sentiments présentent une bivalence (comme on dirait en chimie) d'un côté beaucoup des inconvénients des passions, de l'autre la plupart des avantages des ressources qu'on trouve en soi.
Je rappelle la logique en quatre étapes selon laquelle Germaine articule passions, sentiments, ressources.
Les passions sont globalement nuisibles au bonheur.
En guise de réparation du bonheur, d'antidote au mal des passions, nous disposons de la consolation des sentiments dont il va être question ici.
Mais ces sentiments ne sont pas l'arme absolue anti-douleur, dans la mesure où ils laissent dans une forme de dépendance à autrui, possiblement blessante.
Reste alors le plan B des ressources qu'on trouve en soi. Ce sera la section III du livre.
Germaine commence en précisant, pour les lecteurs critiques et plus encore pour elle-même, qu'elle perçoit le paradoxe de son projet moraliste au regard de son caractère et de ses choix de vie. Mais ce paradoxe n'est qu'apparent, assure-t-elle :
« Je laisse encore ma destinée dépendre tout entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n'a pu vaincre sa sensibilité n'est pas celui qu'il faut le moins croire sur les raisons d'y résister ;
une sorte de philosophie dans l'esprit, indépendante de la nature-même du caractère, permet de se juger comme un étranger (…)
et la justesse des méditations n'est point altérée par la faiblesse du cœur. » (De l'amitié)
« Je ne m'aime pas si indiscrètement et ne suis si attaché et mêlé à moi que je ne me puisse distinguer et considérer à quartier, comme un voisin, comme un arbre. »
dit Montaigne dans le même esprit (Essais III,8 De l'art de conférer).
Qui est un tant soit peu lucide, et ne s'aveugle pas sur ses limites, ne saurait s'autoriser à philosopher sans souscrire à cet essai d'impartialité.
Germaine est une passionnée, mais de fait la passion qui domine chez elle est clairement celle de la raison (d'où le titre que j'ai donné à ce parcours), cette sorte de philosophie dans l'esprit.
Commentaires
"Mais ces sentiments ne sont pas l'arme absolue anti-douleur, dans la mesure où ils laissent dans une forme de dépendance à autrui, possiblement blessante." Quelle justesse dans cette observation !
Décidément, je suis admirative de cette passionnée et de sa lucidité. Merci, Ariane.
Oui, moi aussi, plus je m'imprègne de sa pensée plus je l'admire, et plus je me sens confortée dans mon propre essai de lucidité.
Et merci une fois de plus pour votre fidèle lecture, chère Tania.