De temps en temps je pense à l'âpre destin de certains objets. Y en a je voudrais vraiment pas être à leur place.
Quel sort plus crispant que celui de la pince à linge, que chaque nouvelle lessive condamne à serrer les dents sur du linge de tout acabit ? Passe encore le carré de soie, la petite culotte en coton, le torchon en lin souple, la serviette en éponge mousseuse (à ne pas mélanger au précédent) …
Mais quand faut la fermer sur le cabas en jute rêche, le châle en gros drap de laine écrue, ou le pire de tout : la tennis que le Mistral prend un malin plaisir à balancer ... Là faut vraiment s'accrocher, faut une sacrée niaque pour faire le job.
Et les avions ? Qui se soucie de leur supplice quand ils se retrouvent cloués au sol ?
Qui songe à confisquer leurs aiguilles aux aiguilleurs du ciel ?
Et les tapis qui se laissent piétiner sans mot dire ? Ils font profil bas, espérant toujours éviter, le prochain jour de ménage, d'être battus sans ménagement.
Et les oreillers à qui l'on bourre le mou ?
Et les smartphones, pauvres bêtes de somme abrutis d'intelligence artificielle ?
Mais l'objet que je plains le plus c'est la sonnette d'alarme.
« Il faut tirer la sonnette d'alarme » « Il est temps de tirer la sonnette d'alarme » « On n'a pas assez tiré la sonnette d'alarme » …
Je rêve d'un monde où, au lieu de se pendre à la sonnette d'alarme à chaque nouvelle guerre, chaque nouvelle catastrophe, on s'amuserait plutôt à faire sonner des sornettes comme le fou ses grelots. Sans hargne sans drame sans larmes.
Et si l'on pleure encore, ce ne sera que de rire..