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Question douloureuse

Zweig vient de rappeler les idéaux de la Renaissance portés par Érasme et quelques autres en ce début du XVI° siècle : humanisme, cosmopolitisme universaliste, amour de l'étude. Ces idéaux semblent en un premier temps gagner du terrain en Europe. Et puis tout se grippe.

« Pourquoi – question douloureuse ! – pourquoi un règne aussi pur ne peut-il durer ? Pourquoi des idéaux aussi grands, aussi humains, n'acquirent-ils pas de plus en plus de force, pourquoi l'érasmisme ne se fortifia-t-il pas plus dans un monde depuis longtemps renseigné sur l'ineptie de toute hostilité ? »

(Stefan Zweig. Érasme chap 1 Sa mission. Le sens de sa vie)

 

À la lumière de son expérience, depuis la guerre de 14 jusqu'à la montée du fascisme mussolinien et du nazisme hitlérien, Zweig donne sa réponse, dont la pertinence actuelle a de quoi nous alerter.

« Nous devons malheureusement reconnaître qu'un idéal ne visant que le bien être général ne satisfait jamais complètement les masses ; chez les natures moyennes, la haine barbare exige aussi sa part à côté de l'amour, et l'égoïsme individuel réclame de chaque idée un avantage personnel immédiat. (…)

Un idéal purement pacifiste, humanitaire et internationaliste tel que l'érasmisme prive d'impressions visuelles la jeunesse qui aime regarder l'adversaire en face ; il ne provoque jamais cette poussée élémentaire du patriotisme devant l'ennemi d'au-delà la frontière ; ou de la religion à l'égard des membres d'une autre confession.

Aussi la tâche des chefs de parti est-elle facilitée du fait qu'ils donnent une directive déterminée à l'éternel mécontentement humain ;

l'humanisme, c'est à dire l'érasmisme, qui ne laisse nulle place à aucune sorte de haine, qui porte héroïquement et patiemment ses efforts vers un but lointain et presque invisible, demeurera l'idée d'une élite intellectuelle tant que le peuple dont il rêve, tant que la nation européenne ne sera pas une réalité. »

C'est moi qui souligne, et je ne commente pas davantage, je trouve que ces termes parlent par eux-mêmes.

Ah si : juste ne pas se méprendre sur élite intellectuelle. Zweig n'oppose pas des instruits à des incultes, ni des géniaux à des stupides. Il oppose ceux qui cherchent à comprendre, à faire la part des choses (= intellegere) et ceux qui ne peuvent ou ne veulent le faire.

L'élite intellectuelle : ceux qui tentent d'entendre raison à travers les bruits de la passion, assourdissants, abrutissants.

 

Commentaires

  • Rien à ajouter à ce commentaire si juste.

  • Zweig en effet a trouvé des formulations remarquables, forcé qu'il fut par les événements de s'expliquer (avec) toutes ces questions. Le tragique c'est que nous ayons à le faire encore et toujours ...

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