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Exaspérer Luther

« De tous les hommes de génie que la terre a portés, Luther fut peut être le plus intolérant, le plus irréductible, le plus fanatique. Il ne pouvait souffrir autour de lui que des approbateurs, dont il se servait, ou des contradicteurs qui allumaient sa colère et qu'il écrasait. »

(Stefan Zweig. Érasme chap 7 Le grand adversaire)

 

Avec ce chapitre au titre éloquent, débute la deuxième partie du livre, essentiellement consacrée à la relation entre Érasme et Luther.

Zweig revient sur les actes et déclarations de chacun d'eux. Il analyse leur opposition sous différentes facettes. Leurs personnalités aux antipodes l'une de l'autre, les divergences sur la mise en œuvre d'une réforme de l'Église, ne s'accordant au fond que sur une chose : sa nécessité.

Et surtout il fait ressortir un élément historique lourd de conséquences : le fait qu'un véritable débat, dépassionné, disons simplement « technique » ait manqué entre ces eux hommes

Zweig désigne les insuffisances d'Érasme : sa coupable désinvolture qui ne lui fait pas apprécier à temps la déflagration potentielle des thèses de Wittenberg*, ensuite un manque d'allant à se saisir de la question, et puis même sa dérobade devant des demandes directes de chacune des parties.

Mais, malgré cela, c'est Luther que Zweig rend véritablement responsable de l'échec. Il en donne ici la raison de fond.

Ne concevoir les choses qu'en pour ou contre, tout ou rien, discriminer le monde en approbateurs ou contradicteurs : telle est la signature du fanatisme et du sectarisme. Que l'on approuve ou que l'on rejette, c'est au fond la même impossibilité de se faire interlocuteur dans un dialogue ouvert, constructif.

« Luther, de son côté, devait naturellement haïr la tiédeur et l'irrésolution d'Érasme dans les questions religieuses ; cette ''volonté de ne pas se décider'', ce qu'elle avait de souple, de lâche, de glissant (…) cette ''éloquence habile'' qui évite une confession bien franche, tout cela l'indignait. Il y avait quelque chose en Érasme qui devait exaspérer Luther, quelque chose en Luther qui devait révolter Érasme. »

Incompatibilité d'humeur entre leurs conceptions de la parole, et pas seulement la Parole au sens des Écritures.

On pourrait dire que l'un avait tendance à la langue de bois, et l'autre à la langue de fer.

 

*C'est le 31 octobre 1517, sur la porte de l'église de Wittenberg, que le moine augustin Martin Luther placarde une série de propositions critiquant le système dit des indulgences. (En gros acheter le pardon divin en payant le clergé) (rien de très nouveau donc dans le cadre d'un système religieux, mais les temps étaient mûrs sans doute pour Luther, dans sa réflexion, dans son itinéraire personnel).

 

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