« XI. La Moquerie (irrisio) est une Joie née de ce que nous imaginons qu'il se trouve quelque chose que nous mésestimons dans une chose que nous haïssons. »
(Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)
Une joie ? Oui, c'est mathématique. Démonstration. La joie est un plus (de perfection), la mésestime (cf 5) comme la haine (cf 7) sont des moins, des affects en négatif. Et donc, comme on disait à l'école, « moins par moins égale plus ». CQFD.
L'articulation des affects entre eux fonctionne selon le mécanisme suivant :
Joie et tristesse sont définies comme positionnables sur une échelle graduée.
Cette échelle est le repère de base pour établir la définition (sens vraiment géométrique) de tous les affects, en faisant varier le curseur joie/tristesse. S'y ajoutent dans certains cas d'autres repères (on en rencontrera plus loin).
En outre le mot latin irrisio note par son préfixe in (in-risio/irrisio) une dynamique, quelque chose d'actif. Et Spinoza associe toujours joie/action/puissance.
Affecter de mésestime l'objet de haine provoque un mouvement de libération : « Mais au fond je m'en moque, ce truc est totalement dérisoire, alors mieux vaut en rire et passer à autre chose. »
Cependant ne rêvons pas. Cette façon plutôt soft de se débarrasser du négatif que l'on rencontre a ses limites, comme le précise Spinoza dans l'explication.
« En tant que nous mésestimons une chose que nous haïssons, en cela nous nions d'elle l'existence, et en cela nous sommes joyeux (= moins par moins égale plus cf supra). Mais puisque nous supposons que l'homme n'en hait pas moins ce dont il se moque, il suit que cette Joie n'est pas solide (la haine étant un réservoir de tristesse cf 7) »