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  • 48 nuances d'affects (21) Emulation et contagion

    « XXXIII. L'Émulation (aemulatio) est le Désir d'une certaine chose qu'engendre en nous le fait que nous imaginons que d'autres ont le même désir. »

    (Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)

     

    Cette définition nous place au cœur du cœur du principe de l'imitation des affects (cf 11), avec l'imitation du désir lui-même, lui qui déterminera toute autre imitation.

    Avec cette nuance qu'on peut imiter un affect positif ou négatif, alors que l'émulation a pris essentiellement une acception positive. « L'usage a fait que nous appelons émule celui-là seul qui imite ce que nous jugeons être honnête, utile ou bien agréable. » (Explication définition 33)

    Oui oui. C'est une imitation pour la bonne cause, mettons, mais n'empêche que l'émulation instaure une compétition, une rivalité : on veut faire pareil, mais en mieux. Et qui dit compétition dit risque de violence, plus ou moins grave. Et l'on a vite fait de passer du fair-play de la joute ludique à des modes disons plus hooliganistes.

    Montaigne a lui aussi réfléchi à la question, en particulier dans le cadre de ce qu'il nomme « conférence », un débat plus ou moins organisé.

    « La jalousie, la gloire, la contention me poussent et rehaussent au dessus de moi-même. Et l'unisson est qualité du tout ennuyeuse en la conférence. » (Essais III,8 De l'art de conférer)

    L'émulation est ici vue comme un moteur à la fois du débat et du travail sur soi. L'ambiguïté des sentiments qui la sous tendent, jalousie, souci de briller, se convertit en énergie positive.

    Mais inversement elle peut se vivre en mode pathologique, nous rendre sujets à une contagion, quand l'imitation des affects exprime sa potentialité virale.

    « Comme notre esprit se fortifie par la communication des esprits vigoureux et réglés, il ne se peut dire combien il perd et s'abâtardit par le continuel commerce et fréquentation que nous avons avec les esprits bas et maladifs. Il n'est contagion qui ne s'épande comme celle-là. »

    Une émulation virale, pas toujours pour la bonne cause : je vais nommer ça le syndrome du buzz. Épidémie ravageuse : à côté tous les covid ou autres pestes et choléras franchement ils font pitié.

    Voilà qui me fait penser à quelque chose, mais quoi ? Peut être la dévaluation de la notion-même de débat, non seulement sur les résasociaux, dans les talk-shows médiatiques, mais dans les assemblées parlementaires censées faire vivre la démocratie. 

    Je crains que ces "responsables politiques" (!!!), tous tant qu'ils sont, esprits bas et maladifs, ne soient davantage motivés par leurs petits jeux pervers entre ennemis que par la (sur)vie de la démocratie, devenue un bien si rare pourtant de par le monde.