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  • Sur le rêve (10) Le chat de Schrödinger

    « Quand ces éléments communs existant entre les pensées du rêve n'existent pas déjà, le travail onirique s'efforce d'en créer, afin de rendre possible la figuration commune dans le rêve. »

    (Sigmund Freud Sur le rêve chap 4)

     

    Quand ces éléments communs existant n'existent pas : curieuse formulation, non ? Quatre explications possibles à cette contradiction frôlant le non sens.

    1)Une désinvolture délibérée envers la logique classique pour laquelle ne peuvent être simultanément vraies deux propositions contraires.

    2)Une intuition de la fameuse expérience de pensée dite du chat de Schrödinger.

    3)Une désinvolture cynique avec la réalité factuelle du fait de la roublardise de Sigmund.

    4)Un défaut de formulation nuisant à la clarté du texte.

    Considérer comme vraie chacune de deux propositions contradictoires, ou maintenir l'indécidable entre elles (options 1 et 2), c'est la routine dans le mode inconscient. Freud le nomme mode primaire de penser, le rapprochant de la pensée enfantine ou magique. Mais il n'en rend jamais compte que dans un discours logique et argumenté : il n'était pas du genre à se livrer à l'écriture automatique façon surréaliste.*

    L'option 3 aura la faveur des détracteurs de Freud. Mais je gage qu'il était trop soucieux de faire reconnaître le sérieux de ses théories, et d'abord de s'en assurer lui-même, pour se satisfaire d'une victoire au bluff. Il faut l'excuser, il ne connaissait pas notre monde merveilleux friand de mensonge et de bêtise, où la falsification fonctionne tellement mieux que la vérification pour asseoir la crédibilité.

    Mais l'option 4 est plus probable. Pour limiter les dégâts de la mauvaise réception de sa Traumdeutung (cf 1), Freud écrit en vitesse, se débarrasse de ce qu'il voit comme un pensum. D'où des formules approximatives (mais qui finissent toujours par se préciser).

     

    Reprenons donc « … le travail onirique s'efforce d'en créer, afin de rendre possible la figuration commune dans le rêve. La voie la plus commode pour rapprocher deux pensées du rêve qui n'ont encore rien de commun consiste à modifier la formulation verbale de l'une, cependant que l'autre viendra peut être encore s'opposer à elle en se coulant de manière adéquate dans une autre expression. »

    Freud rapproche cela de « la composition de vers rimés, où l'homophonie tient lieu de l'élément commun recherché. Une bonne part du travail du rêve consiste à créer ce genre de pensées intermédiaires ».

    Le rapprochement entre travail poétique sur les mots et travail inconscient sur les pensées est un des outils les plus féconds de la pensée freudienne. Il sera fondamental dans son analyse du mot d'esprit (Witz), et constitue un des paramètres fiables pour l'interprétation dans la pratique clinique.

    En psychanalyse freudienne (contrairement au coaching ou autre forme plus ou moins soft de « direction de conscience »), celle-ci n'est ni assertion ni ordre ni conseil. Elle consiste à trouver de(s) mot(s) (attitudes, réactions) pour attirer l'attention de l'analysant sur ce qu'on perçoit dans son discours comme possible indicateur de ses enjeux inconscients. À lui d'y entendre ce qu'il peut ou veut, et d'en faire comme il l'entend.

     

    Bon ben avec tout ça, désolée, j'ai encore pas fini ce chap 4 cette fois-ci, mais ce sera pour la prochaine fois sans faute.

     

    *Ce qu'en un sens on peut considérer comme méfiance envers la validité du message inconscient, et donc comme inconséquence théorique. Lacan, lui, au fil de ses séminaires, assumera de plus en plus de (ou se laissera aller à) parler en associations libres, comme l'analysant sur le divan. Plus grande confiance envers la pertinence de la pensée inconsciente, ou paresse roublarde à mettre en forme ses intuitions ? Je laisse le lecteur décider (à supposer que la psyché de Lacan soit un objet plus décidable que l'état du chat de Schrödinger).