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  • T'ar ta gueule ...

     

    « Quand un hégélien se contredit soudainement dans ses affirmations, il dit : 'Maintenant, la notion s'est transformée en son contraire.' »

    Schopenhauer (Parerga et paralipomena)

     

    Comme Monsieur Jourdain de la prose, nous sommes donc nombreux à pratiquer l'hégélianisme sans le savoir. Y compris Schopenhauer. Raison pour laquelle on peut le supposer sourire (ironiquement certes) en notant cette remarque.

    Que reproche-t-il alors vraiment à Hegel ?

    « Cet homme, pour anéantir de nouveau la liberté de la pensée conquise par Kant, osa transformer la philosophie, cette fille de la raison, cette mère future de la vérité, en un instrument des intrigues gouvernementales, de l'obscurantisme, et du jésuitisme protestant : mais pour dissimuler l'opprobre, et en même temps pour assurer le plus grand encrassement possible des intelligences, il jeta sur elle le voile du verbiage le plus creux et du galimatias le plus stupide qui ait jamais été entendu, du moins en dehors des maisons de fous. » (Essai sur le libre arbitre)

    Hegel va donc à l'encontre du progrès, en réactionnaire et obscurantiste. Mérite-t-il seulement le nom de philosophe, cet homme stupide-fou-creux ?

    Schopenhauer, en bon polémiste, sait parfaitement où frapper. Car il n'est pires injures pour celui qui a pondu une philosophie selon laquelle l'Histoire serait gouvernée par le mouvement de la raison.

    Schopenhauer discerne une mauvaise foi chez Hegel. Il n'est pas rationnel, il est calculateur. Il n'écrit pas pour l'avènement de la déesse Raison, mais pour la mesquine raison de faire carrière auprès des puissants.

    Et d'enfoncer le clou.

    « La philosophie de Hegel n'a de clair que son intention, qui est d'obtenir la faveur des princes par la servilité et l'orthodoxie. La clarté de l'intention contraste de façon très piquante avec l'obscurité de l'exposé, et on voit se développer, à la fin de tout un volume plein de galimatias et de non sens ampoulés, la noble philosophie des vieilles femmes qu'on étudie d'ordinaire en quatrième, à savoir Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. » (Parerga et paralipomena)

    Pas faux, non ? Mais ne soyons pas naïfs, ces vacheries expriment avant tout la jalousie de Schopenhauer envers un rival reconnu, adulé par le public se pressant à ses cours, tandis que lui, pauvre Arthur, soliloquait devant des chaises vides.

    On comprend mieux sa phrase sur la lucidité supérieure de l'inimitié (cf Conseil d'amie). La sienne l'a rendu clairvoyant pense-t-il sur la bêtise hégélienne.

    Pour ma part je ne trancherai pas. Quoique. J'avoue sans vergogne savourer ce débinage de Hegel.

    Bien fait pour lui qui m'a infligé tant d'heures d'ennui à attendre désespérément la récré ...

     

  • Danse avec les loups

     

    « Particulièrement vers son terme, la vie rappelle la fin d'un bal masqué, quand on retire les masques. On voit à ce moment quels étaient réellement ceux avec lesquels on a été en contact pendant la vie. En effet, les caractères se sont montrés au jour, les actions ont porté leurs fruits, leurs œuvres ont trouvé leur juste appréciation et toutes les fantasmagories se sont évanouies. Car il a fallu du temps pour tout cela. »

    Schopenhauer (Aphorismes sur la sagesse dans la vie)

     

    C'est marrant avec Schopenhauer, on est toujours devant le fameux verre à moitié vide ou à moitié plein. Si j'étais taquine, je dirais qu'il avait peut être des côtés plus hégéliens qu'il ne voulait le dire ou le croire.

    Parce que bon, le principe de la dialectique hégélienne c'est quoi sinon :

    a)ce verre est vide. Globalement. Plutôt.

    b)bon OK il est quand même un peu plein. Si on veut.

    c)vous savez quoi ? On va dire qu'il est plein de vide et/ou vide de plein, ce foutu verre. Ouais. Voilà.

     

    Exemple. Que penser de la proposition : La vie est un bal masqué ?

    1ère partie (verre à moitié vide)

    La vie est un jeu de dupes où tout le monde fait semblant a)pour se croire quelqu'un de bien b)pour manipuler les autres c)pour les deux.

    Le mieux qu'on ait à y faire, c'est d'avoir à la main une coupe de champagne, à remplir dès qu'elle se vide.

    Il est conseillé de bien choisir son masque, parce qu'à mon humble avis (différent de celui de Schopenhauer, sans me vanter) au bout d'un certain temps, on finit toujours par lui ressembler.

    Le sentiment qui dominera à la fin sera le ressentiment sous la forme de a)remords b)regret c)les deux.

    2ème partie (verre à moitié plein)

    La vie est une fête sympa où on peut s'éclater à danser, où l'on se divertit à regarder les masques, à deviner ce qu'il y a dessous. Sous les beaux, les qui font peur, les moches ou ridicules, les tristes et les rigolos.

    Et quand on les enlève, le divertissement finit en beauté, c'est une apothéose de surprises.

    Bref la vie c'est cool. On a bien brisé quelques verres, mais comme un éclat de rire. Et de toutes façons il en reste assez pour finir le champagne.

    3ème partie (plénitude vide et vacuité pleine)

    Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. L'habit ne fait pas le moine. Mais le masque fait-il la personne ? Que dirons-nous d'un moine masqué ?

    Qui se déguise en renard portera-t-il un loup ?

    Conclusion (on va pas y réveillonner, parlons d'autre chose)

    Schopenhauer évoque ici (volontairement ou pas?) le Don Giovanni de Mozart. Masques et faux semblants, vérité et mensonge, amour et trahison. À la fin le Commandeur.

    Mais tout le temps du bal une musique plus vivante que la vie elle-même.

     

     

  • Conseil d'amie

     

    « Les amis se disent sincères ; ce sont les ennemis qui le sont. Aussi devrait-on, pour apprendre à se connaître soi-même, prendre leur blâme comme on prendrait une médecine amère. »

    Schopenhauer (Aphorismes sur la sagesse dans la vie)

     

    Mmouais … T'es sûr, Arthur ? Je sais bien que t'as pas eu trop d'amis dans ta vie, mais quand même sur ce coup-là, je me demande si tu te goures pas un peu.

    Implicitement cette affirmation laisse en effet entendre que la haine serait plus clairvoyante que l'amour, l'antipathie que la sympathie.

    Certes il y a des amis prétendus (ou même sincères) qui à force de flagorneries stupides (et intéressées souvent, par exemple dans le cas des courtisans en politique) ont un effet débilitant sur la lucidité.

    Mais cela confère-t-il pour autant certificat de sincérité aux ennemis ? Hein ?

    Euh bon, je vois pas pourquoi je me lance là-dedans, je suis pas là pour faire une dissert thèse antithèse synthèse. En plus vu le mépris de Schopenhauer pour Hegel, il le prendrait mal.

    Et j'ai pas envie de m'en faire un ennemi.

    En fait ce qui ressort de plus clair de cette pensée, c'est le masochisme de notre pauvre ami Arthur, son amertume.

    Amer : oui, voilà un mot qui lui convient. D'où lui vient donc cette défiance affirmée envers son prochain ? En général pour déceler l'origine de l'amer faut la chercher, la mère (ou le père). Est-ce le cas, j'en sais trop rien.

    Mais à le lire on ressent qu'il a vécu dans le sentiment d'une sorte de disgrâce. Peut être aurait-il bien voulu, tel le Jacky de Brel, être une heure, une heure seulement, être une heure rien qu'une heure durant, beau ...

    Beau et con à la fois ? Pas jusque là quand même. Il avait conscience du charme de l'intelligence, de l'éblouissement produit par l'art de libérer le rayonnement d'une pensée comme on lance la fusée d'un feu d'artifice.

    Cette histoire de médicament amer m'évoque surtout quelqu'un de moins cynique avec ses amis. Sauf quand ils étaient médecins.

    « Au demeurant j'honore les médecins. Ce n'est pas à eux que j'en veux, c'est à leur art, et ne leur donne pas grand blâme de faire profit de notre sottise, car la plupart du monde fait ainsi.

    Je donne grande autorité à mes désirs et propensions. Je n'aime point à guérir le mal par le mal ; je hais les remèdes qui importunent plus que la maladie. Puisqu'on est au hasard de se tromper, hasardons-nous plutôt à la suite du plaisir. »

    Essais II,37 (De la ressemblance des enfants aux pères).

    Prescription conclusive : si votre dose de Schopenhauer passe mal, y ajouter une lichette de Montaigne.