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  • Quelques inclassables

    La philosophie hindoue poursuit la délivrance ; la grecque, à l'exception de Pyrrhon, d'Épicure, et de quelques inclassables, est décevante : elle ne cherche que la … vérité.

    Cioran (Aveux et anathèmes)

     

    Voilà qui risque de laisser sous-entendre que Pyrrhon ne chercherait pas la vérité. Ce serait le scoop du jour.

    Au contraire, comment mieux approcher la vérité que par le scepticisme ?

    Précisément parce qu'il professe la chose essentielle à en dire, qu'elle est hors d'atteinte. Et que c'est pour cela qu'on ne se lasse pas de la chercher. (Bon je vous épargne les citations de Montaigne sur ce coup-là).

    Savoir si mieux vaut poursuivre la délivrance (paradoxale formulation, non ?) ou chercher la vérité ? Faudrait commencer par établir un tableau des bénéfices/risques pour les deux protocoles.

    Perso chercher la vérité je trouve pas ça décevant du tout. Mais l'inverse oui : s'escrimer à (se) la cacher, adopter la mauvaise foi (au sens existentialiste) comme ligne d'inconduite.

    (Les occasions de déception ne me manquent donc pas).

    Poursuivre la délivrance, mettons. Mais plutôt qu'à la mode nirvanesque dont j'ai dit toute la méfiance qu'elle m'inspire, je trouve plus motivant d'essayer à la mode de Nietzsche.

    Libre de quoi ? Peu importe à Zarathoustra. Mais que ton regard clairement m'annonce : libre pour quoi ?

     

  • Par principe

    Le néant pour le bouddhisme (à vrai dire pour l'Orient en général) ne comporte pas la signification quelque peu sinistre que nous lui attribuons. Il se confond avec une expérience-limite de la lumière, ou, si on veut, avec un état d'éternelle absence lumineuse, de vide rayonnant : c'est l'être qui a triomphé de toutes ses propriétés, ou plutôt un non-être suprêmement positif qui dispense un bonheur sans matière, sans substrat, sans aucun appui dans quelque monde que ce soit.

    Cioran (Aveux et anathèmes)

     

    Vous voulez que je vous dise, quand je lis ça je constate que décidément le bouddhisme n'est vraiment pas ma tasse de thé. J'hésite bien un peu à le confesser, je crains que ça manque de politicallycorrectitude. Mais à l'aveu comme à l'aveu.

    Je ne conteste pas la sincérité de l'expérience limite & mystique allusionnée ici par Cioran, mais j'avoue qu'en fait oui j'y vois un néant tout ce qu'il y a de sinistre.

    Un être qui a triomphé de toutes ses propriétés je n'arrive pas à le concevoir autrement que comme une abstraction procédant du mépris (dirais-je phobie ?) de la réalité.

    Abstraction dont il enfonce le clou avec sans matière sans substrat, tandis que sans aucun appui dans quelque monde que ce soit révèle l'aspect mortifère du refus du lien.

    Cioran est-il dupe de la ruse de la pulsion de mort, qui consiste à positiver le néant en le nommant paix, à déguiser un tropisme vers la dissolution (cf la contemplation du squelette note précédente) en appel de l'absolu ?

    Bien sûr que non : dupe et Cioran c'est une contradictio in terminis.

    On doit donc déduire de cette déclaration que le néant est pour lui le plus court chemin vers le bonheur.

    Il donne ainsi raison à Freud* qui définit le principe de plaisir comme la recherche d'un degré zéro, d'un état d'excitation nulle (encéphalogramme plat autant dire).

    Et le nomme d'ailleurs parfois principe de nirvâna. CQFD.

     

    *Qu'il anathème pourtant plus souvent qu'à son tour.