« n°159 : Toute vertu a son heure.
À celui qui est intransigeant, sa probité fait souvent éprouver des remords : car l'intransigeance est la vertu d'une autre époque que la probité. »
(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Troisième livre)
D'une autre époque oui et non. Au plan historique intransigeance et probité sont toujours nécessairement contemporaines, mais c'est vrai que le plus souvent chacune aimerait mieux ignorer l'autre. (Enfin c'est surtout l'intransigeance qui aimerait ignorer la probité).
Plus directement et plus concrètement, par autre époque j'entends autre époque de la vie.
Il me semble que la jeunesse considère généralement l'intransigeance comme une vertu (l'intransigeance envers autrui s'entend, envers soi-même à tout âge c'est une autre histoire).
Et puis, en avançant dans la vie, on s'aperçoit que c'est plus compliqué.
On comprend, puis l'on s'avoue, que l'intransigeance n'est pas toujours aussi pure qu'il y paraît, qu'elle peut cacher beaucoup de choses, justifier bien des alibis.
Alors on commence à mesurer la valeur de la probité. Vertu un peu terne, vertu minimale, certes, mais c'est ce qui fait sa noblesse et son efficacité.
Car elle est vertu d'après les certitudes, les exigences, les illusions.
Elle est la vertu de l'accueil des choses comme elles sont, des êtres comme ils sont, la vertu de l'acceptation des conditions de la vie.
Ou pour le dire plus simplement, elle est la vertu qui consiste à arrêter de (se) raconter des histoires.
Bon je ne dis pas que ce soit automatiquement acquis grâce au vieillissement, ce serait trop beau. Mais c'est juste que la prise de conscience de plus en plus aiguë de la fragilité et de la relativité des choses peut aider il me semble à progresser en probité.