Quelques mots en écho aux derniers commentaires d'Hélène.
Je n'ai pas l'intention (ni la capacité surtout) de faire une lecture linéaire de l'ensemble. De toutes façons le support blog ne serait pas adapté.
En fait je fais une note en me disant : il faut parler de tel point, c'est important. Et puis ça m'amène à autre chose, etc. Tout ça sans grand ordre, avec des redites. C'est juste que quand quelque chose me plaît, j'ai envie d'en parler, d'y faire écho. Comme quand on a vu un bon film au cinéma. Je sais que je dis sûrement beaucoup de bêtises, ou en tous cas d'approximations. C'est le lot des gens qui, comme dit Montaigne, ont "le cul entre deux selles". Ni inculte, ni spécialiste. Mais amatrice ça oui. J'essaie donc d'expliquer le mieux possible ce que je comprends, en sachant que ça ne garantit pas la validité de ce que je comprends pour d'autres que pour moi.
Le mode géométrique (pour ce que j'en comprends, donc) ne tient pas tant au contenu d'un savoir *qu'à une attitude de fond devant le monde : le monde physique, et aussi celui des idées, des sentiments, des relations etc. Attitude d'objectivité au sens fort, essayer de voir vraiment ce qui est là, comme c'est, sans préjugé ni attente particulière, et de comprendre comment les choses se relient l'une à l'autre.
*Cependant un savoir scientifique ne peut pas nuire, non tant pour lui-même, que parce qu'il a formé à une certaine façon de penser.
Je crois aussi que quand Spinoza décide de rédiger son livre sous cette forme, il avait vraiment dans l'idée que ce serait plus clair et plus simple. Qu'il pourrait tout mettre de sa pensée en la réduisant "à sa plus simple expression" : une condensation, ou une cristallisation.
Mais le mieux est de citer quelques phrases de Deleuze. (Gilles Deleuze, Spinoza philosophie pratique, éd de Minuit 1981)
"Des écrivains, des poètes, des musiciens, des cinéastes, des peintres aussi, même des lecteurs occasionnels" (merci pour eux, M'sieur Deleuze), "peuvent se retrouver spinozistes, plus que des philosophes de profession. Non pas qu'on soit spinoziste sans le savoir. Mais, bien plutôt, il y a un curieux privilège de Spinoza, quelque chose qui semble n'avoir été réussi que par lui.C'est un philosophe qui dispose d'un appareil conceptuel extraordinaire, extrêmement poussé, systématique et savant ; pourtant il est au plus haut point l'objet d'une rencontre immédiate et sans préparation, tel qu'un non-philosophe, ou bien quelqu'un dénué de toute culture" (là il pousse un peu à mon avis, faut quand même savoir lire) "peuvent en recevoir une soudaine illumination, un 'éclair' (allusion à R.Rolland qui parle de l'éclair de Spinoza). C'est comme si l'on se découvrait spinoziste, on arrive au milieu de Spinoza, on est aspiré, entraîné, dans le système ou la composition. Quand Nietzsche écrit : 'je suis étonné, ravi ... je ne connaissais presque pas Spinoza ; si je viens d'éprouver le besoin de lui, c'est l'effet d'un acte instinctif', il ne parle pas seulement en tant que philosophe, surtout pas peut être en tant que philosophe. (...)
(...) double lecture de Spinoza, d'une part à la recherche de l'idée d'ensemble et de l'unité des parties, mais d'autre part, en même temps, la lecture affective, sans idée de l'ensemble, où l'on est entraîné ou déposé, mis en mouvement ou en repos, agité ou calmé selon la vitesse de telle ou telle partie."
En fait, oui. Voilà.