Résumé de la situation
Malgré les efforts de clarté de notre héros, sa lectrice, moins héroïque et moins claire, a abandonné non sans désinvolture ses propres lecteurs en tête à tête option prise de tête avec quatre définitions et une réflexion. Combien d'insomnies ont été ainsi provoquées ? Combien de boulimies affectives ? Mais haut les cœurs ! Dans ce nouvel épisode, la lectrice n'aura même plus peur. Et la voici aux prises avec les épineux concepts, direct et à mains nues.
(Après tout ils sont moins effrayants qu'un chien, par exemple. D'ailleurs à sa connaissance la phobie des concepts ça n'existe pas).
Prenons d'abord substance, le machin qui n'a pas besoin du concept d'autre chose. Il est logique de le regarder en premier parce que c'est le concept auto-suffisant du lot, celui qui tient tout seul.
C'est donc à partir de ce concept, boucle d'arrimage, nouage du fil, que l'on pourra envisager de se lancer dans le tissage d'un vêtement solide et si possible seyant. (Ceci est une métaphore filée ou je ne m'y connais pas. Mais c'est la faute à l'abbé Attitude qui m'a dit : faudrait imager un peu. Alors j'image).
Pour Spin Dieu est donc cela, une substance. Un concept qui tient tout seul. Sans qu'il faille l'étayer de tenants et aboutissants. Ce qui évacue la question métaphysique, avec une certaine élégance il faut bien le dire. Avec un Dieu substance, la métaphysique n'a littéralement plus lieu d'être. Ou, pour le dire autrement, il n'y a rien que de l'immanence.
Dieu est de toutes choses cause immanente et non transitive (causa immanens non vero transiens). (Prop.18)
Mais il y a un souci avec la substance. On peut en avoir une interprétation « océanique », en faire un concept qui noie le poisson. Une interprétation crépusculaire où tous les chats sont gris. Et alors franchement substance ou pas substance, et du coup rien ou quelque chose c'est kif kif. Or l'expérience prouve que non, être ou pas être c'est pas kif kif, comme l'a bien vu Hamlet.
D'où les concepts de défloutage que sont l'attribut et la manière (ou mode). Ils permettent de voir comment les choses s'expliquent, se déplient. La forme du poisson et la couleur du chat. (Cela dit, la manière on laisse tomber, le mot n'étant pas dans la déf 6. Faut être efficace, sinon on n'est pas rendu).
L'attribut = ce que l'intellect perçoit d'une substance comme constituant son essence. Ah tiens (se dit l'intellect) lui c'est un attribut trucmuchien, car je vois et je reconnais, je perçois le logo 100% trucmuchie. C'est donc la garantie que j'ai affaire à l'essence trucmuchienne où je m'y connais pas.
Autrement dit, l'attribut permet une bonne traçabilité de la substance.
Quant à la chose finie, une chose qui peut être bornée par une autre de même nature = on roule pépère dans sa petite auto, à un moment on passe une borne où est écrit par exemple Tarn. Alors on sait que le département Aude est « fini », puisque là est sa limite commune avec le département Tarn.
En parallèle, après la pensée « tiens l'Aude finit ici, maintenant on est dans le Tarn », viendra mettons «Tarn chef-lieu Albi » qui amènera immanquablement « Qu'est-ce que j'ai aimé le musée Toulouse-Lautrec » , phrase qu'il est impossible de trouver écrite sur la borne à la place de Tarn, même si vous la pensez très fort. De la même façon inversement si vous n'avez rien pensé du tout ou si vous dormiez, la borne était là quand même. Un corps n'est pas borné par une pensée ni une pensée par un corps.
La définition de l'éternité ne se comprend que si on prend garde à ne pas se laisser bêtement enfermer dans le fameux piège finaliste. C'est pourquoi, toujours aussi prévenant, Spin précise dans l'explication qui suit : elle ne peut s'expliquer par la durée et le temps, quand même on concevrait la durée sans commencement ni fin.
L'éternité n'est donc pas un temps sans bornes, elle est dans le caractère non-bornable du temps. Insignifiance encore du concept de transcendance.
Il n'y a que l'immanence, et l'éternité est l'existence-même (ipsa) : oui, tout simplement en tant que considérée dans son caractère non-bornable, suivant nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle.
C'est pourquoi s'il n'est pas facile de comprendre le concept, nous en faisons pourtant facilement l'expérience dans la vie la vraie la seule. Comme dit Rimbaud, l'éternité est ce qui, dans ce qui se trouve là, est retrouvé. Cette évidence de faire corps avec ce qui est là. J'ai embrassé l'aube d'été.
Elle est retrouvée ! - Quoi? - L'éternité ! C'est la mer allée avec le soleil.
Et là, y a d'la joie.
Bon, on a maintenant toutes les cartes en main pour revenir à the définition.
La prochaine fois. Faudrait pas risquer la nausée conceptuelle.
A suivre.
Commentaires
Eh ben, Luc Ferry, Séguéla, Barbelivien ou B.H.L. c'est aussi des grands philosophes mais eux au moins, ils sont vachement moins durs à comprendre quand y causent !
Avec Spinoza si j'ai bien lu les "explications" ci-dessus , Dieu n'est plus Dieu et l'Eternité n'est plus l'éternité ?
Sale temps pour les honnêtes gens de la Manif pour tous et me v'la paumé moi z'aussi : y'a que pour Spi que c'est comme ça, mais c'est pas lui qui décide, si ? Tout le monde on lui dit Dieu ou l'Eternité, y se représente D et E comme tout un chacun. Y'a qu'à faire un référendum pour voir.
Ce tour de passe passe qui fait disparaître la transe en danse pour y substituer l'hymne à j'sais pu qui, c'est carément pas clair dans ma pauvre tête.
Mon bon Abbé, peut être les prochaines notes résoudront-elles quelques une de vos perplexités : deux autres (de notes, pas de perplexités. Quoique) sont encore prévues sur Dieu.
Sur le point précis qui vous met en transe, il me semble que c'est à l'inverse : ce serait plutôt que les hommes aient fantasmé la transcendance qui paraît à Spinoza être un tour de passe passe.
Mais bon je ne peux être affirmative, car si vous êtes abbé, moi je suis novice dans l'Ethique ...