" Fam. Être hésitant, peu sûr de soi, maladroit. 'Je n'ai vasouillé qu'un peu au début' (Jules Romains) Voir : cafouiller, s'embrouiller, merdoyer."
Jules Romains, vous voulez que je vous dise, n'est qu'un petit joueur. Car par exemple moi perso je ne me suis pas contentée de vasouiller « au début ». (Au début de quoi, d'ailleurs ? Mais ne nous égarons pas, ne laissons pas vadrouiller notre imagination comme un lycéen pas sérieux sous les tilleuls de Charleville-Mézières). J'ai vasouillé au début, je vasouille maintenant, et les dieux du vasouillage m'accorderont je l'espère de vasouiller itou jusqu'à la fin, dans une constance vasouillarde qui ne peut que forcer l'admiration.
De plus, sans me vanter, contrairement à ce petit bras de Jules, je ne vasouille pas qu'un peu, mais beaucoup, passionnément, à la folie. Je dis cela sans vanité aucune, mais juste je ne vois pas pourquoi je passerais sous silence mon meilleur domaine de compétence. Comme dit Montaigne De dire de soi moins qu'il n'y en a, c'est sottise, non modestie. Car soyons clairs : le mot vasouillage offre à le sonder des abîmes de subtilité. Au fait, pourquoi donc n'y a-t-il pas un chapitre des Essais intitulé « Du vasouillage » ? me rétorquera le lecteur histoire de m'embrouiller. Mais parce que le mot n'était pas encore là ! Il n'est entré dans la langue qu'en 1904, dixit Robert qui jamais n'hésite, ne cafouille ni merdoie dès qu'il s'agit de préciser une date.
1904 c'était un bon timing. Cela a donné une petite dizaine d'années aux locuteurs de l'époque pour se mettre le mot en bouche. Ainsi ceux d'entre eux qui eurent la chance de passer quelques années à pourrir dans la boue des tranchées purent l'utiliser, comme leurs généraux les utilisaient eux en chair à canon. Le monde est bien fait. Remarquons d'ailleurs que le Poilu employait le mot à bon escient et en connaissance de cause, alors que l'Etat-Major, comme M. Jourdain avec la prose, vasouillait en virtuose, mais sans avoir la capacité de mettre sur ses stratégies ce mot qui pourtant reste le plus adéquat pour les définir. Ce qui nous ramène à Jules Romains qui a consacré des pages bien senties à Verdun. Je ne sais pas si le monde est si bien fait que ça, mais la littérature ça arrive.
Je terminerai en vous offrant une occasion de briller dans les dîners en ville. Lorsque la conversation vasouillera, amenez habilement une référence à Verdun (facile avec le centenaire de la guerre 14-18), de là passez à Jules Romains et enfin, modestement, glissez : « Au fait savez-vous que Jules Romains ne s'appelait ni Jules ni Romains, mais Louis Farigoule ? »
Louis, je n'ai pas de conseil à te donner, et c'est trop tard surtout, mais entre Farigoule qui fleure bon la garrigue, et ces Romains qui ont semé tant de cadavres dans tant de tranchées, y a pas photo.
Tout le monde n'a pas la chance de s'appeler Montaigne, dis-tu ? C'est vrai, y a des veinards, va donc essayer de vasouiller avec un nom pareil ...