« Souvent je saute des marches quand je monte, - pas une marche ne me le pardonne.
Suis-je en haut, je m'y trouve toujours tout seul, personne ne parle avec moi, le frimas de la solitude me fait grelotter. Que viens-je chercher dans les hauteurs ? » (Ainsi Parlait Z De l'arbre sur la montagne)
Visiblement Nietzsche a un truc avec les marches, les escaliers, y a de l'image récurrente dans l'air (peut être de l'empreinte archaïque comme on dit en Psyland ?)
Les phrases ici ne sont pas mises dans la bouche de Zarathoustra, mais dans celles d'un jeune homme qu'il rencontre. Zarathoustra a en effet ceci de commun avec une œuvre de théâtre (et souvent aussi un roman) que l'auteur s'y diffracte dans l'ensemble des personnages. Le jeune homme en question interprète la notion de surhumain comme dépassement de soi, élévation, recherche de sublimité, et forcément finit par fatiguer un peu dans l'effort ascensionnel. « Suis-je à la hauteur des exigences athlético-éthiques de la surhumanitude ? », telle est la question du pauvre petit gars à bout de souffle. « Il trouva ce jeune homme assis appuyé à un arbre, jetant sur la vallée un regard fatigué. »
Feeling ou condition physique ou les deux, j'ai renoncé à l'ascension pour me poser de temps en temps quelques questions, le postérieur bien calé sur ma chaise. Par exemple celle-ci cf notes précédentes : de quelles implications sont porteuses les notions homme-plus et homme-plusieurs, en quoi sont-elles contradictoires ou pas, comment les articuler ?
Or dans ce discours le débat est posé de façon embrouillée pour ne pas dire sibylline, au point qu'à l'arrivée on se demande si Zarathoustra conseille au petit jeune de monter ou de descendre sur sa foutue échelle.
Il lui reformule à sa façon le fameux Qui veut faire l'ange fait la bête : « Tu veux monter vers les hauteurs libres, ton âme a soif d'étoiles. Mais tes mauvais esprits eux aussi ont soif de liberté. Tes chiens sauvages veulent être libres ; ils en aboient d'envie dans leur cave quand ton esprit se propose d'ouvrir toutes les prisons. » Pour qui a la phobie des chiens, je vous assure que ça porte méchamment ...
Logiquement (du moins s'il suivait Montaigne ou Spinoza) il devrait lui conseiller dans la foulée de laisser tomber son échelle et de gérer au mieux la cohabitation entre les anges du loft au dernier étage avec vue sur les étoiles, et les clébards de la cave.
Mais non, la réponse de Zarathoustra est plus compliquée que ça. Ce qui ne nous étonnera pas, car on commence à savoir au moins une chose sur Nietzsche : avec lui rien n'est simple.