« L'homme principalement érotique privilégiera les relations de sentiment à d'autres personnes, le narcissique, qui incline plutôt à se suffire à lui-même, cherchera dans ses processus d'âme internes les satisfactions essentielles, l'homme d'action ne lâchera pas le monde extérieur sur lequel il peut éprouver sa force. » dit Papa Sigmund (Malaise dans la culture).
Quel qu'ait été notre tempérament, notre tropisme, durant le cours de notre vie, la vieillesse risque fort de faire de nous avant tout des narcissiques. Normal, la vieillesse est une chose qui limite fortement les occasions de (et surtout les capacités à) éprouver sa force sur le monde extérieur. Quant aux relations de sentiment, on serait pas contre, mais qui se trouve vraiment en empathie avec un vieux sinon un autre vieux ? Donc un autre plutôt narcissique. Ce qui réduit la relation à proprement parler. Restent les sentiments. Sur le cœur, sur l'estomac, à gérer en autogestion.
De toutes manières c'est mieux ainsi. Les autres, surtout les plus autres des vieux, c'est à dire les jeunes, ont mieux à faire que se soucier des sentiments de nous les vieux. Et en plus ils nous apportent beaucoup plus en étant ce qu'ils sont, dans leur énergie, leur joie et même leurs soucis de jeunes que s'ils essayaient de se pencher sur nos états de vieilles âmes vermoulues. Ils sont dans la vie, elle rayonne à travers eux, nous atteignant de sa lumière, de sa chaleur. Ils n'ont pas besoin de manifester tendresse ou sympathie explicites. Bien sûr, des jeunes comme des autres, je supporte mal pour ma part une hostilité latente ou patente. Mais une certaine indifférence me paraît normale et souhaitable.
N.B. En fait il faut corriger mon propos ci-dessus : il y a des vieux qui n'ont encore que trop d'occasions d'agir sur le monde. Le pouvoir politique par exemple reste souvent, même en nos pays occidentaux prétendument livrés au jeunisme, une lamentable gérontocratie. Et qui plus est une gérontocratie mâle. Le nombre de vieux croûtons qui squattent l'Assemblée, le Sénat, les exécutifs locaux juste pour leur pomme et leur compte en banque, sans souci aucun d'agir pour le bien commun, ni même d'agir tout court : nauséeux, non ? En y réfléchissant, ce n'est pas incompatible avec leur jeunisme à eux, ces vieux : ils croient en s'accrochant à leur pouvoir garder une sorte de jeunesse, qu'ils confondent avec la possibilité de contraindre les autres.
Quant à l'abominable gérontocratie qui en tant d'endroits du monde s'assortit d'une haine des jeunes et des femmes, parce qu'elle est une haine de la vie, c'est la version absolument brute de la pulsion de mort qui est un des ressorts du narcissisme.
Bouclons donc la boucle avec Papa Sigmund encore.
Théorème tant qu'à faire :
La mort, on n'a pas le choix de la refuser. Mais la pulsion de mort, si.
Commentaires
Ah mais non, moi je crois qu'il y a "vieux" et vieux" ... des vieux qui donnent envie de fuir loin loin loin ... et puis des vieux avec lesquels on est trop bien, parce qu'ils sont d'abord autre chose que des vieux justement, ils sont eux, une personne avec tout son vécu (un peu plus long que pour d'autres peut-être ...) ... de la même manière, il y a "jeune" et "jeune" ... d'ailleurs y'a un super chanteur qui l'a dit : "le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est con, on est con" ... l'âge n'a rien à voir là-dedans ...
La pulsion de mort ? Crier NON pour dire OUI à la vie !
Outre que je suis sensible à l'aspect encourageant de ce commentaire (vu que j'admets que je fais partie de la catégorie des vieux qui essaient - je dis bien essaient - d'échapper autant que possible à la connerie ( la leur et celle des autres), tu pourras voir que je me suis permis de supprimer les 2 autres commentaires répétant strictement celui-ci. Avec je l'avoue, le plaisir non dissimulé de constater que je ne suis pas la seule à me heurter à quelques bugs dans les manips informatiques ...
Je me demande quelques fois s'il n'y a pas un complot contre ma personne regroupant divers objets (je nommerai en premier lieu les ordinateurs et les aspirateurs) ... mais bien sûr, je n'ai aucune preuve ... que dirait papa Freud là-dessus ?