Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pas pire

 

Dilemme n° 4 : To be or not to be ?

Je n'oserais m'aventurer à pronostiquer combien d'entre vous, lecteurs, ont lu les sonnets de Shakespeare. Dans ma vie il m'est arrivé nombre de choses improbables et j'en ai fait nombre d'insensées. À ces nombres-là ensemble je compte ma lecture des sonnets de Shakespeare.

Rassurez-vous 1) ce ne fut pas un choix personnel, ils étaient au programme d'un concours et 2) lire est un bien grand mot pour le survol assorti de fiches que j'en entrepris alors, espérant qu'il suffirait à m'éviter le crash éliminatoire.

Vous savez j'imagine que les concours sont de deux types : les confituriers et les autres. Celui dont il s'agit était de la deuxième catégorie, je vous laisse penser quelle en fut l'issue pour moi. Je n'en ai gardé aucune rancune envers le grand Will, car il y fut pour beaucoup moins que l'insuffisance de travail.

En revanche le boulot faisait pas peur à Shakespeare parce que ses sonnets ils sont quand même 154, ce qui représente donc 154 x 14 = 2156 vers, et 21560 syllabes vu que ce sont des décasyllabes (ce n'est pas parce que nous avons fini notre série sur les chiffres qu'il faut perdre la main en calcul).

Les métaphores baroques et alambiquées qui y pullulent, on aime ou on n'aime pas, mais comment résister à de purs joyaux comme Let me confess that we two must be twain/Although our individed loves are one. « Nos amours sont en indivision mais toi et moi ça fera toujours deux kes tu veux que je te dise » (traduction perso).

Ou encore Sweets with sweets war not, joy delights in joy. (OK faut être sujet de sa Gracieuse Majesté pour prononcer une phrase pareille sans se faire des nœuds à la langue). « De douceur à douceur c'est pas un rapport de forces, mais commune jouissance de joie » (id). On dirait du Spinoza. En moins simple.

Mais bref voilà, malgré tout le génie de milliers de vers, c'est avec la plus modeste, pour ne pas dire la plus plate de ses phrases que Will s'est assuré l'immortalité. Faut dire que son statut inégalé dans la culture mondiale n'est que justice. En effet il n'y en a pas d'autre, de question. C'est « la » question, qui remplace avantageusement tous les ergotages philosophiques.

Quoique. Ergotage philosophique non, mais c'est quand même ce qu'il faut bien appeler une question rhétorique, en clair une question que la réponse elle est dedans comme le noyau dans la cerise et la cerise sur le gâteau. To be or not to be, that is the question. Hamlet to be il a jamais vraiment su, et not to be clair que si c'était son choix il a pas manqué d'occasions.

Mais justement Hamlet c'est le mec que choisir il peut pas, et il le sait. Alors ce qu'il en dit, c'est juste pour gagner du temps. Bref son truc c'est jamais que du théâtre, un dilemme soit, mais en trompe l'oeil. Une impasse soit, mais il a vu la porte dérobée.

Gagner du temps avec les mots (la seule chose qu'on y gagne, à vrai dire). Dire to be ou not to be, peu importe, en réalité ça veut dire jusqu'ici tout va bien, je suis encore vivant.

 

Les commentaires sont fermés.