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Générosité bien ordonnée

 

« Par Vaillance, j'entends le Désir par lequel chacun s'efforce de conserver son être sous la seule dictée de la raison.

Et par Générosité, j'entends le Désir par lequel chacun, sous la seule dictée de la raison, s'efforce d'aider les autres hommes et de se les lier d'amitié.

Et donc les actions qui visent uniquement l'utilité de l'agent, je les rapporte à la Vaillance, et celles qui visent aussi l'utilité d'autrui, je les rapporte à la Générosité. »

(Éthique, scolie de la proposition 59 partie 3)

Vaillance traduit animositas, mot formé sur animus = souffle. L'animositas de chacun, c'est sa façon propre d'avoir du souffle, ce qui l'anime profondément, l'énergie qu'il déploie à exister.

Oui mais sous la seule dictée de la raison : inattendu, non ? En quoi la vaillance à vivre est-elle du ressort de la raison ?

Quant à être de son ressort exclusif, sous sa seule dictée ...

Voilà une proposition à première vue contre-intuitive. Le mot utilité fournit un éclairage. La raison dont il s'agit procède d'un calcul, de l'établissement du ratio bénéfice/risque.

Cela peut entre autres se reformuler en termes freudiens. La vaillance spinoziste n'obéit pas au principe de plaisir, mais au principe de réalité.

Ce qui est au demeurant logique vu la place fondamentale du concept de réalité dans l'Éthique.

De plus rappelons que Freud n'oppose pas principe de plaisir et de réalité, mais les articule : le principe de réalité est la continuation du principe de plaisir par d'autres moyens.

« Conserver son être » c'est à dire satisfaire à son conatus (voir ce mot), passe en mode primaire par le principe de plaisir, qui très vite rencontre ses limites. Alors l'énergie du conatus enclenche automatiquement le moteur secondaire du principe de réalité.

La vaillance n'a d'autre choix que réaliser la synthèse des motions de plaisir sous le nécessaire primat du principe de réalité, sous la seule dictée de la raison.

Le mot générosité, generositas, appartient à la famille de genus = genre, espèce. Elle correspond donc non plus à la logique de survie ou de désir d'un individu pris isolément, mais à celle de l'ensemble humain.

On voit plus immédiatement ici le rapport à la dictée de la raison. A priori on se dit pas besoin d'être Einstein ni Spinoza pour comprendre que l'humanité ne peut survivre que par l'aide mutuelle entre ses membres.

Quoique. Visiblement y en a plein qu'ont pas encore saisi le concept. C'est qu'il y a un pas décisif à franchir, le pas proprement politique.

Comprendre que vaillance et générosité ne tiennent l'une et l'autre qu'à condition d'aller dans le même sens. Les deux sont en synergie ou ne sont pas.

" À l'homme donc, rien de plus utile que l'homme. (…)

D'où il suit que les hommes, que gouverne la raison, c'est à dire les hommes qui cherchent leur utile sous la conduite de la raison, n'aspirent pour eux-mêmes à rien qu'ils ne désirent pour les autres hommes,

et par suite ils sont justes, de bonne foi et honnêtes." (Scol prop 18 Part 4) 

CQFD voilà c'est dit.

1) Pas besoin de sondages pour voir que le gouvernement par la raison n'est pas, disons, plébiscité partout.

2) Spinoza n'envisage pas optimisme idéaliste & générosité sacrificielle, mais  pessimisme réaliste et calcul égoïste.

Il s'agit juste d'essayer d'être moins suicidairement cons. Ce qui met cette éthique à la portée de chacun d'entre nous.

Quoique ?

 

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