Imaginons ... flemmarde ... blabla … auto-citation blabla etc. (cf Conatus)
« La joie se décline dans un sympathique lot d'affects que Spinoza a répertoriés avec le soin pointilleux qu'on lui connaît.
Laetitia. Épanouissement, dilatation de l'être, illumination du visage, sourire, tel un paysage soudain riant dans l'éclosion du printemps.
Joie primaire et spontanée, joie d'exister dans "l'existence-même, c'est à dire l'éternité*". La joie de Rimbaud dans l'aube d'été.
"L'affect de joie, quand il se rapporte à la fois à l'esprit et au corps, je l'appelle titillatio ou hilaritas." (scol prop11 P3). Ces deux affects s'opposent dit-il à douleur et à mélancolie.
Titillatio est chatouillement, caresse, plaisir d'être, éprouvé corps et âme.
"C'est beau d'avoir élu domicile vivant / Et de bercer le temps dans un cœur consistant" (dit Supervielle).
Hilaritas est gaieté, belle humeur. C'est le mot qui a donné hilarité, précieuse faculté de se laisser alléger par un bon mot, une image drôle, de prendre la vie du bon côté.
L'hilaritas, contagieuse et ainsi unificatrice, est une bonne manière qu'on se fait entre humains, une douceur dont on se réconforte dans les âpretés de l'existence.
Gaudium, le contentement, "est une joie qu'accompagne l'idée d'une chose passée qui s'est produite au-delà d'une espérance." (P 3 déf 16)
Au-delà, non pas nécessairement en la satisfaisant. Mais, tout compte fait, la joie est là, la joie de se dire : c'est bien ainsi.
Gaudium est le mot qui a donné joie en français (et autres langues). Il est remarquable que Spinoza, pour définir l'affect en général, ait préféré laetitia. Choix de la référence au concret, au réel, à l'immédiat.
Plus abstrait, gaudium implique un différentiel de temps, le temps nécessaire à l'effort éthique de cultiver la joie (fleur pas toujours précoce).
Joie secondaire, raisonnée, médiatisée. Joie sublimée, dirait Freud.
"Qui donc s'emploie à maîtriser ses affects et ses appétits par seul amour de la liberté s'efforcera, autant qu'il peut, de connaître les vertus et leurs causes, et de s'emplir l'âme du contentement (gaudium donc) qui naît de leur vraie connaissance ; mais (s'efforcera) de contempler très peu les vices des hommes, ou les dénigrer (…)
Et qui observera cela diligemment (et en effet ce n'est pas difficile) (hilaritas made in Spinoza) et s'y exercera, celui-là, oui, en peu de temps il pourra diriger la plupart de ses actions sous l'empire de la raison." (P5 scol prop 10)
"Risus, tout comme jocus est pure joie (laetitia)." (scol coroll 2 prop 45 P4)
Risus, le rire, celui qui éclate, celui qui libère, qui voit l'absurdité du dérisoire et dit : mieux vaut en rire.
Jocus, la plaisanterie, a donné le mot jeu. Il s'agit en effet de jouer avec les mots, grâce à eux de déjouer le mal et le malheur, la mort elle-même.
De jouer à déjouer la fragilité de notre condition humaine, ainsi que le montre Freud dans son livre sur le Mot d'esprit dans son rapport avec l'inconscient. »
*NB "éternité" : bloquez pas sur le mot, on y viendra, je prévois une entrée Temps.