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Rire

 

« Le rire, tout comme la plaisanterie, est pure Joie. (…) En quoi est-il plus convenable d'éteindre la faim et la soif que de chasser la mélancolie ? »

(Éthique scolie du corollaire 2 de la prop 45 Partie 4)

« Est-il convenable » traduit le latin decet. Une traduction qui tire le mot vers la notion de politiquement correct. Il me semble que Spinoza se place plutôt dans une perspective que je qualifierais de médicale, thérapeutique.

Dans l'ordre des besoins vitaux, la fuite de la tristesse et de l'humeur noire (= mélancolie) est à mettre sur le même plan que l'évitement de l'inanition. Le rire est nourriture de la joie psychique, comme le pain est celle du corps. Et à ce titre aussi nécessaire.

Rien de plus raisonnable que rire. Raison comme rire étant propres à humaniser l'être humain.

Le rire mène à un affect déjà rencontré (cf Joie), une des formes de joie que Spinoza nomme Hilaritas (allégresse dit ma traduction). La joie qui provoque une expansion de l'être.

Et c'est elle que Spinoza met en regard de la mélancolie dans sa classification des affects. Laquelle repose sur deux colonnes : Joie/Tristesse.

Dans chacune, il établit différentes nuances de ces affects selon qu'il les rapporte plutôt au corps ou à l'esprit, et selon leur périmètre d'action, leur prégnance dans l'individu qui les éprouve.

« L'affect de Joie, quand il se rapporte à la fois à l'Esprit et au Corps, je l'appelle Chatouillement (Titillatio) ou Allégresse (Hilaritas) ; et celui de Tristesse, Douleur ou Mélancolie.

Mais il faut noter que Titillatio et Dolor se rapportent à l'homme quand une de ses parties est affectée plus que les autres, tandis qu'Hilaritas et Melancholia s'y rapportent quand toutes sont affectées à égalité. »

(scolie prop 11 Partie 3)

L'allégresse comme la mélancolie sont des affects pareillement tsunamiques, de puissantes vagues qui emportent, dont on ressent l'imprégnation jusqu'à la moelle des os.

Énergie de l'allégresse : faire une chose (ce peut être une fête, mais aussi un travail, une création) durant un temps indéfini, ad libitum, sans ressentir la fatigue, parce qu'on y est bien, et partager ce bonheur avec d'autres.

Dévitalisation au contraire de la mélancolie, tête vide, muscles atones. Se traîner d'un jour, d'une heure à l'autre, prisonnier du cercle vicieux de la solitude qui désole et de la désolation qui isole.

Le conatus conseille donc de fuir la seconde et de chercher la première.

« Il n'y a assurément qu'une torve et triste superstition pour interdire qu'on se délecte (...) Il est d'un homme* sage de se refaire et recréer en usant de l'agrément des plantes vertes, de la parure, de la musique, des jeux et exercices du corps, des théâtres et autres choses de ce genre, dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui. »

*Spinoza dit-il ici vir (et non homo) pour signifier que ces plaisirs « futiles » ne sont pas seulement pour les écervelées style Melle Vanden Ende, mais aussi pour les hommes les vrais, et même que c'est une bonne façon pour eux d'être sages ?

Ou le dit-il simplement par (inconscient) machisme, la sagesse n'étant de toute façon pas l'affaire des femmes ?

Dans ce cas encore une bonne raison de rire.

 

 

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