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Le cri des paons (7/8)

 

30 octobre. Demandé à Chantal ce qu'elle foutait avec tous ces vieux. OK faut bien gagner sa vie mais quand même. Paraît qu'elle se sent utile et aussi que c'est pas si triste : ils sont encore rudement accrochés à la vie, elle trouve. Justement, c'est ça qui va pas. Mémé, ils l'ont passée à l'Eté.

                                                                                                                             ***

« Ils s'embrassaient, derrière le bassin, Chantal et le petit Maxime. Un bien joli couple. Ils se sont rencontrés, oh guère après que Mme Carogne elle a embauché Chantal. Il fallait une animatrice, qu'elle a dit. Elle a vu ça dans les autres centres. Par exemple à l'Étoile ils ont un club de loisirs aussi. Elle veut pas que nous aux Saisons on soit moins bien. C'est normal remarquez.

Vous connaissez l'Étoile, un peu plus loin sur la nationale ? C'est bien aussi, sauf l'entretien de leur parc c'est pas pour dire. Et puis ils ont pas la volière, le bassin, tout ça. N'empêche ils ont pas eu de morts. Enfin je veux dire ce genre de morts. Des gens, pas des pensionnaires.

Pauvre petite ! Le jeune homme à mon avis elle lui a tapé dans l'œil tout de suite. Après vous savez ce que c'est, se rencontrer par hasard. Le Maxime, je le voyais guetter, assis à côté du fauteuil de Mme Moricier. Le plus rigolo c'est que sa mère, la fille à Mme Moricier, elle s'était aperçue de rien ... »

                                                                                                                                                          ***

5 février. Mémé marche plus du tout. Elle arrêtait pas de se casser la gueule, du coup ils l'ont mise en fauteuil, et dans l'Automne, ils font des regroupements comme ça. À part ça elle a l'air d'avoir à peu près le moral. Ils la shootent avec des tas de produits. C'est mieux pour tout le monde.

Elle prend Maman pour sa mère, elle lui raconte des tas de trucs, on comprend que dalle, elle dit un mot pour un autre. C'est drôle, au final. Chantal ça la fait rigoler, Maman apprécie pas. Moi oui, Chantal quand elle rit, elle est irrésistible. J'ai tout le temps envie de l'embrasser. En voilà une qui est pas faite pour être vieille.

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« Venu ce matin ? Maxime ? Mais pourquoi il me l'a pas dit ?

- Je ne sais pas, Madame. Apparemment, d'après les témoignages que j'ai recueillis, il avait un rendez-vous.

- Un rendez-vous ? Avec qui ?

- Avec la victime. Votre fils serait la dernière personne à l'avoir vue vivante, si l'on excepte M. Bouilloux, naturellement. C'est donc notre principal témoin, et c'est à ce titre que je souhaite l'interroger.

- Attendez ! Principal témoin, ça veut dire quoi, ça exactement ? Vous n'allez quand même pas soupçonner Maxime ! Vous n'imaginez pas ? …

- Mon métier n'est pas d'imaginer, Madame. »

                                                                                                                              ***

11 juin. C'est vraiment le printemps. Le buisson de genêt de la volière est tout fleuri. Ce que ça sent bon ! Chantal s'en est mis un brin derrière l'oreille. Elle est tellement belle, tellement vivante. Quand c'est qu'on arrête de vivre dans l'odeur du genêt, le chant des oiseaux, le goût de la mer, la brûlure des rochers dans la garrigue l'été ?

Quand c'est qu'on se met à vivre juste pour pas mourir ?

 

25 juin. Maintenant quand on va chercher Mémé dans sa chambre, elle est chaque fois en train de crier. D'ailleurs dans l'Hiver ils crient presque tous. Je croyais pas que ça pourrait lui arriver à elle. Mémé. Je sais pas si c'est d'entendre les paons. C'est le même cri. Horrible. Il faudrait que quelqu'un la fasse taire.

                                                                                                                                                              ***

Maxime Sauveterre se taisait, le visage fermé. Elles avaient dit vrai, les Trois Parques. La lumineuse beauté de ses traits de tout jeune homme, auréolés d'une chevelure que le soleil d'été blondissait encore. Pour le reste aussi : le regard qu'il fixait sur le mur était d'une effrayante tristesse. Une tristesse dure et sans concession. Accusatrice.

« Vous savez que ce n'est pas votre intérêt, de refuser de témoigner. On peut interpréter cela comme un aveu. Ou si vous cherchez à protéger quelqu'un, cela entre dans le cadre de la complicité. »

Maxime jeta un bref regard au policier. Il eut un ricanement amer:

« Des complices … Y a que ça … ». Et, à nouveau, silence.

« Bon, je vous informe que de toutes façons une analyse d'ADN est en cours. Vous pouvez aller, maintenant. »

Christine attendait son fils devant la porte.

« Le coup de l'ADN », dit-il. « Ils sont tous d'accord. »

 

A suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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