Théo vit sa vie hors affect positif. Il a, sinon la haine, à coup sûr la grogne, la hargne. C'est un renfrogné chronique. Pourquoi on sait pas.
Une histoire qui traîne, un truc pas réglé depuis l'enfance, genre un oedipe qui lui reste sur le cœur, à cause d'un père sadique et d'une génitrice abusive ?
Dirait je suppose un psychanalyste freudien, ou lacanien, ou freudo-lacanien. Théo on s'en doute n'est pas du genre à consulter un psychanalyste. À l'instar de tous les chieurs, il préfère rester dans son caca.
Et en faire profiter le populo autour. Avec grand jeu d'hystérisation théâtrale si possible.
À propos : côté théâtre, outre le prince danois célèbre pour son oedipe irrésolu et son caractère itou, Théo évoque Alceste. Vous savez, le type peu porté à apprécier ses congénères.
Cependant, au contraire de Théo le grognon, ces deux-là, nonobstant leur caractère négatif, ont su préserver une certaine urbanité (sur les planches en tous cas. Pour le reste leur vie privée ne nous regarde pas).
Bref Théo a conçu pour ses congénères une indicible ... euh non une effroyable haine. C'est un effet de projection dû à son caractère paranoïaque qui lui donne une certaine niaque.
Préciserait sans doute le psychanalyste que nous avons convoqué plus haut (se révélant ici lacanien par le jeu sur les signifiants).
Théo a vite fait de classer les gens dans la catégorie raseur, voire épilateur définitif. L'ennui c'est que la vie oblige souvent à fréquenter les infréquentables, à écouter les raseurs horripilants sans trop se hérisser. C'est un principe de réalité.
C'est ce que Théo a de la difficulté à accepter. La réalité. Et c'est alors fort à propos qu'un psychanalyste de toute obédience parlerait de névrose.
Le principe de réalité est la continuation du principe de plaisir.
Ceci est un des postulats freudiens les plus utiles dans la vie courante. Un truc de bon sens et de jugeote. Un truc qui n'ingère pas de pain. Pas besoin de vivre plus de quatre-vingts ans à l'instar de Freud ou de Lacan pour en faire l'expérience.
On en déduira, à l'inverse, que si Théo est en délicatesse avec la réalité, qui lui enjoint de prendre les autres tels qu'ils viennent, c'est qu'il est avant tout en délicatesse avec le plaisir, avec la vie, avec le plaisir de vivre.