Décidément j'ai du mal à dormir. Et quand je dors mal, que je suis resté les trois quarts de la nuit éveillé, au bout du bout je gamberge. Et alors, ce qui me tourne dans la tête, inutile de faire un dessin, c'est rarement folichon.
La nuit : un moment où je vois la vie en rose ? Oh que non ! Normal, vu que tous les chats y sont gris … Euh, voilà du hors sujet. Je déraille. Le début de la fin.
Tiens au fait, maintenant qu'on s'en cause, va savoir combien d'années j'ai encore devant moi ? Combien de mois ? Non, vaut mieux éviter d'y songer. Un truc est sûr, des années j'en ai un stock nettement rabougri devant, direction horizon, alors que derrière dans le rétroviseur, y a de quoi faire …
Normal, la vie ça marche que dans un sens. La détricoter, hors de question, même quand on a raté une maille et que ça fait un trou. « Irrémédiable trouage … » s'attriste Ariane, ma sœur, quand elle s'embrouille avec ses tricotages.
Bref, ou on arrête tout, ou on garde le gilet avec son trou. En attendant le dernier. Des ans irrémédiable outrage.
Alors quand je dors mal, je me retourne vers toutes ces années, vers la durée de ma vie écoulée. C'est si vaste, c'est comme une mer, ma mer intérieure.
Avec ses ressacs, ses houles, avec tous ses animaux à nageoires (ou non), avec, balayant à certains endroits sa surface, des reflets de ciel embrasé.
Avec des îlots déserts, avec des récifs hérissés, menaçants toujours, même égarés là-bas au loin dans les années.
C'est vertigineux, je me sens ballotté dans tant de nostalgie, mi-regret mi-remords, et voilà que je tangue comme un vieux rafiot. Normal, que suis-je d'autre ?
Le mot tangage, ça m'évoque en outre la maladie qui donne la tremblote, qui décoordonne les neurones et le reste. Genre que le vieux rafiot, cerise sur le gâteux (oui elle est facile, mais si tentante), se la jouerait bateau ivre.
By the way, un texte déconseillé à lire la nuit, Le bateau ivre. La mer à Rimbaud c'est tristounet et effroyable à la fois. Des cadavres de noyés tout ça, vous vous souvenez ?
Rimbaud à minuit, suicide au bout de la nuit. C'est moi qui vous le dis.
Au fait, maintenant qu'on s'en cause, jusqu'ici j'avais trouvé bizarre que des vieux aient l'idée de se suicider. Carrément gag. Genre « des fois que la mort m'oublierait, traverserait tout droit sans me calculer, hein ? Résultat je resterais là comme un con à squatter le monde ad vitam aeternam. Alors autant faire le boulot (on n'est jamais si bien servi etc.) et me tirer tout seul de ce merdier. »
Ça me semblait si cocasse. Aujourd'hui ...
Disons ça me fait légèrement moins rigoler.
Mais allez j'arrête. Allez on vire de bord, moussaillons, on vise la direction de la joie. En avant toute ! …
Quelle direction c'est ? Eh bien euh ...
Est-ce que quelqu'un sait où est la boussole ?