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Rien à prouver

 

« Celui qui fait confiance aux gens, même s'ils ne sont pas tous sincères avec lui, prouve ainsi sa propre sincérité. Celui qui se méfie des gens, même s'ils ne sont pas tous malhonnêtes envers lui, prouve ainsi sa propre malhonnêteté. »

Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes I,162)

 

Cette phrase est à première vue bien proche de celle de Montaigne citée la dernière fois : « La fiance de la bonté d'autrui est un non léger témoignage de la bonté propre. »

Mais on peut observer des différences de forme.

La manière de dire en dit souvent plus long que ce qui est dit, révélant le propos essentiel d'un discours : le désir dont il est porteur.

Ceci n'est pas une pétition de principe pour aficionados de papa Freud ou tonton Lacan. C'est un fait d'expérience quotidienne, vérifiable depuis les éruptions verbales incontrôlées tweetistes jusqu'aux théorisations les plus complexes, en passant par les échanges qui ne mangent pas de pain sur la pluie et le beau temps.

 

Stylistiquement donc, la phrase d'Hong sonne comme une plaidoirie d'avocat, ou une maxime de jurisprudence à l'usage des apprentis magistrats.

Elle s'articule dans un cadre casuistique organisé par la double opposition de paramètres : sincère/pas sincère (parole), honnête/ malhonnête (action).

Le sujet en est un être humain inscrit dans le procès éthique. Dont il est juge et partie. Accusé levez-vous, et argumentez votre sentence.

Montaigne construit sa phrase de façon impersonnelle. L'indéfini autrui, l'emploi de l'article et non du possessif. Le sujet de la phrase est un mot abstrait.

La vertu de confiance n'y est pas incarnée. Lui qui n'hésite pourtant jamais à dire je, choisit de ne pas le faire ici.

On se doute bien sûr qu'il s'exhorte à la pratique personnelle de cette vertu, et aussi qu'il a en tête des exemples et contre-exemples concrets. Mais il laisse tout cela dans l'implicite, au second plan.

La phrase d'Hong a un petit côté menons l'enquête, vérifions les alibis, instruisons le dossier. Pas celle de Montaigne qui fut pourtant juge pour de vrai.

C'est peut être pour ça : l'éthique du devoir, de la dette et de la culpabilité, il en connaît les limites. Et puis par caractère il est plus à son aise dans la liberté.

La liberté inconditionnelle et gratuite de qui n'a rien à prouver. Ni à se prouver.

 

« Si l'action n'a quelque splendeur de liberté, elle n'a point de grâce ni d'honneur. »  

(Essais III, 10 De ménager sa volonté)

 

 

 

 

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