L'intérêt du religieux repose donc d'après Girard sur sa vertu prophylactique à l'égard de la violence. Prophylaxie mise en œuvre sous une forme vaccinale. Car la violence ça vous gagne. C'est comme ça c'est plus fort que toi.
Et qu'est-ce qu'on fait quand on sait ne pas avoir le dessus ? On se garde bien d'affronter, on contourne, on ruse. On cherche à prévenir plutôt que guérir. Dans le genre, le sacrifice serait d'un bon rapport qualité prix.
Jusqu'ici on se dit pourquoi pas. S'il faut en passer par là. À condition de pas être la victime soi-même ça va sans dire. Ah c'est un premier hic. Jusqu'où on ira pour ne pas être la victime ?
Girard ignore la question. Un peu comme si on laissait de côté les conditions de signature dans les philosophies du contrat. Sauf que tant qu'on ne s'y collette pas, on n'entre pas dans le dur.
Mais pour lui les choses sont simples « Tous les acteurs jouent le même rôle, sauf la victime émissaire bien entendu, mais n'importe qui peut jouer le rôle de la victime émissaire. »
« Bien entendu ». Voulez mon avis ? Pas sûr que la victime elle ait si bien entendu que ça, qu'elle ait été d'accord à fond. « N'importe qui peut jouer le rôle » OK mais si on étudie un peu le scénario pas sûr que ça se bouscule au casting.
Non je suis un tantinet de mauvaise foi. Le scénario n'était pas écrit. Quand le premier meurtre arrive, c'est au terme d'une crise de violence réciproque style village d'Astérix en moins bon enfant.
Plan large : feu de l'action, tout le monde tabasse tout le monde avec ce qui lui tombe sous la main, mêlée générale (beaucoup de figurants défigurés peu à peu). Or voici que le hasard se pointe inopinément dans un coin du cadre. La caméra le suit l'air de rien.
Puis tout à coup zoom avant. On voit qu'il s'est fait happer par la mêlée. Il se démène comme un beau diable pour essayer d'en sortir pendant le zoom arrière et le retour au plan large. Il feinte, il est passé par ici, il est repassé par là. Suspense, le hasard va-t-il arriver à franchir la rude baston ?
Tout à coup gros plan. Face caméra, il prend les choses en main, endosse le rôle d'arbitre pour désigner un des combattants. Au hasard. Alea jacta est. Un deux trois la victime ce sera toi, quatre cinq six pour finir la crise.
Voilà c'est ainsi que Girard voit le scénario. Un hasard décida de la première victime. Raison pour laquelle désormais on la choisit plus ou moins arbitrairement dit-il, même que dans certains rituels elle est parfois désignée par un truc style tirage au sort.
Entre nous le hasard a bon dos, non ?
Perso je gage que la victime première fut rarement le gros costaud avec grosse massue ou silex tranchant.
Ma main à couper que cela a dû être une femme plus souvent qu'à son tour. Ou à la rigueur un petit (en taille aussi mais là je veux dire l'âge). Genre le sort tomba sur le plus jeune. Autant dire le plus faible.
Le « premier venu » du hasard, logiquement est plutôt le dernier.
Commentaires
Ah Girard...!
Il aurait gagné à faire un peu d'éthologie ou d'en faire davantage s'il en a fait.
Les régulations dans un groupe ne commencent pas avec l'homme.
Les primates vivent en société. Ce genre de groupe se différencie d'un troupeau, d'une harde ou d'une meute en ce que l'inhibition de la violence intra-spécifique a deux moteurs principaux.
D'abord la pulsion sexuelle : rien de tel que de s'enculer en couronne pour limiter les disputes comme chez les Bonobos.
Et ensuite la manifestation de comportements désapprobateurs comme chez les chimpanzés.
Bon, il faut aussi reconnaître que ces mécanismes ne sont pas efficaces à 100%
Tout comme, d'ailleurs, les histoires de bouc émissaire de Girard.