Les percussions, dans leur modalité rythmique profonde, chantent un chant viscéral, battent la mesure du battement élémentaire de la vie-même.
Une énergie vitale qui s'exprime aussi dans la danse associée au tambourin (v.4) : ce qui évoque bien sûr les transes rituelles, les corps qui scandent des gospels, les délires des Bacchantes, les derviches tourneurs.
Tous moments d'extase, aux confins entre une extrême présence au corps et son oubli.
Dans le même verset la louange passe à des instruments aux connotations inverses. Quoi de plus limpide, éthéré, que les notes de la cithare ou de la flûte ?
Le tambour fait éclater l'être, le fait irradier dans un mouvement centrifuge. Cithare et flûte au contraire le recentrent, dans une intériorisation au climat tout nocturne.
Dans un chant méditatif au bord du silence, et dont il semble n'être qu'une modulation.
L'association de l'épaisseur charnelle des percussions à ces instruments dont le son a quelque chose d'immatériel compose une partition jouant sur un dynamisme de bipolarité, comme la calligraphie joue sur la combinaison des pleins et des déliés.
Voilà qui évoque une si belle phrase de Montaigne (Essais III,13)
Notre vie est composée, comme l'harmonie du monde, de choses contraires, aussi de divers tons, doux et âpres, aigus et plats, mols et graves. Le musicien qui n'en aimerait que les uns, que voudrait-il dire ?
Et puis il y a le chofar. Il s'agit d'un cor, d'une trompe façonnée dans la corne d'un bélier. Il résonne pour marquer l'entrée dans le chabbat.
En conclusion du livre, le ps 150 fait ainsi entendre, à travers l'harmonie de la communauté rassemblée pour chabbat, une autre harmonie, existentielle, symbolisée par la polyphonie des instruments.
Que l'on soit tambour ou flûte, luth, cymbales ou cor, chacun chante à sa place, mais comme dans un même souffle. Le souffle lumineux qui chante le dernier verset.
Reste la question du destinataire du chant : Yah, qui est-ce ?