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Ps 131 (3/3) Fort-da

Freud décrit le jeu d'un enfant jetant de son lit une bobine accrochée à un fil tandis qu'il prononçait un ooo riche de sens, puis tirant le fil pour la remonter, saluant sa réapparition d'un joyeux « da » (voilà, ici).

Freud entend dans ce ooo le mot fort (parti, loin). L'interprétation alors ne présentait plus de difficultés (phrase où l'on reconnaît bien son Sigmund).

Il comprend que cet enfant (dont on loue le calme) a trouvé moyen par ce jeu de se dédommager du renoncement pulsionnel nécessaire à accepter le départ de sa mère sans caprice.

Comment ? En mettant lui-même en scène le départ et retour de sa mère à l'aide d'un objet qu'il peut saisir.

(Au-delà du principe de plaisir, chap 2 c'est moi qui souligne).

Qu'en déduire ?

1) L'auteur du ps 131 a lu Papa Freud de toute évidence (l'inverse aussi est probable).

2) Le sevrage qui rend à la mère son autonomie ouvre à l'enfant la possibilité de la sienne. La séparation imposée, il la rejoue avec un objet qu'il peut saisir. En faisant comme s'il tenait sa mère au bout du fil, cet enfant se prend en fait lui-même en mains, devient acteur au lieu de subir passivement. 

L'enfant sevré n'est plus dans le nirvana de la fusion, mais il va se trouver lui même, individu délié, et apprendre à se tourner vers l'autre comme autre. L'enfant sevré sur sa mère entre dans la loi du désir.

3) Cette loi s'inscrit en lui de manière intra-psychique, posant un des premiers jalons de la construction de sa personnalité.

C'est ce que le poète note en fine pointe du texte, lorsqu'il substitue au lien archaïque avec la mère le lien du sujet adulte à sa propre existence : comme l'enfant sevré sur moi mon être.

On le voit, c'est lire ce psaume à faux que négliger les implications précises du terme enfant sevré. C'est rester prisonnier d'une conception du religieux bien caractérisée par Marx dans sa fameuse métaphore d'opium du peuple. L'opium calme la douleur, l'angoisse, mais c'est au prix de l'annihilation de l'énergie et de la lucidité.

Le ps 131 au contraire n'incite pas à s'écraser devant un Tout-Puissant, à abdiquer sa liberté et son affirmation (avec au cœur un ressentiment qui ne pourra qu'exploser en violence sur les autres).

Il n'incite pas davantage à calmer son angoisse avec un Tout-Calmant, comme l'opiomane aspire sa drogue, comme le bébé suce le sein.

Il énonce en son dernier verset le juste lien qui doit unir YHWH et Israël, l'attente et le désir.

Conclusion : à chacun son fort-da. Ce que le bébé freudien met en scène avec sa bobine, le poète le figure dans l'image de son psaume.

 

 

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