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Fluctuat nec mergitur (1/2) Creux de vague

Nombreux sont les psaumes de plainte, les moments d'intense déréliction où le poète se sent submergé, au bord de la noyade. Oui mais, a-t-on envie de lui dire, vous n'y pouvez rien, vous êtes embarqué.

Dans une triple histoire.

Son histoire personnelle d'abord, avec proches ou moins proches.

Parfois compagnons consolateurs, comme les frères du ps 133, d'autres fois hommes de bien, justes parmi lesquels il se sait ou se veut inscrit.

Souvent il est confronté à l'autre comme ennemi, oppresseur, engagé dans un conflit, de manière parfois incompréhensible (le traître du ps 41 v.10). L'enjeu du conflit est en général interprété dans le cadre de la fidélité à YHWH. Si on lui en veut, c'est parce qu'il témoigne et lutte pour lui.

D'où la deuxième histoire, les péripéties de l'alliance du peuple avec YHWH, relatées dans de grands psaumes historiques, par ex. ps 78 ou 105-106, récapitulation et interprétation de cette histoire, en particulier de l'exil.

La troisième histoire est le fait d'être humain, mortel. Le poète l'envisage en mélancolique, notant des sensations caractéristiques.

Il perçoit son inconsistance et sa précarité de habel (cf Et c'est l'humain) :

YHWH connaît les pensées de l'homme, elles ne sont que vapeur (ps 94,11) 

Les fils d'Adam ne sont que vapeur, les fils d'homme ne sont que mensonge. Sur la balance ensemble ils s'élèvent plus que la vapeur (ps 62,10)

Il est dans la nuit et l'obscurité, la surdité et la mutité, enfermé dans l'humeur sombre, quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle. Enfermement « hystérisé » parfois dans l'image du tombeau. Jusqu'au boutisme du pire, d'où il tire l'argument-choc de l'appel au salut :

ceux qui se décomposent se lèveront-ils pour te rendre grâce ? Parle-t-on de ton amour dans la tombe, de ta fidélité dans l'anéantissement ? (ps 88,11-12).

Autre sensation récurrente, l'effondrement et la dissolution de l'être :

ma vie se consume dans les chagrins, ma vigueur s'effondre à cause de mon iniquité, et mes os sont usés (ps 31,11). Jusqu'au radical hors vie de Je suis une chose perdue (ps 31,13) ou Je parle et fini de moi (ps 39,14).

À quoi s'ajoute la brûlure, l'assèchement, ainsi la belle métaphore racinienne avant la lettre Ma sève reflua dans la sécheresse de l'été (ps 32,4).

C'est aussi inversement la noyade, assez souvent dans ses propres larmes : Je dissous mon lit dans mes larmes (ps 6,7).

Noyade combinée parfois à l'engluement, la déglutition par la boue, dans un mouvement inverse de la venue à l'être de l'adam. Ainsi au début du chef d'œuvre que constitue, au centre du livre, le ps 69 :

Sauve-moi, Elohim, car les eaux sont venues jusqu'à mon être. Je m'enfonce dans une boue profonde, sans appui, j'entre dans les profondeurs de l'eau, le courant me submerge (v.2-3).

Bref embarqué, et vraiment mal barré.

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