Les conventions qui régissent les sociétés ne viennent pas de la nature (qu'on y associe ou pas du divin), vue comme une donnée indiscutable, un c'est comme ça : les Lumières posent cette affirmation émancipatrice qui ouvre la voie à la contestation de l'ordre établi avec ses hiérarchies.
Rousseau y souscrit entièrement. Il construit pourtant sa réflexion à partir du terme état de nature. Comment le comprendre ?
S'il connote positivement les mots nature ou naturel, ce n'est pas pour les opposer à la culture en général (selon la caricature de son meilleur ennemi Voltaire), ni à l'art, ni même à l'artifice, mais bien plutôt à l'artificiel, à l'inauthentique.
(Rousseau, comme tous les gens complexes et pétris de contradictions, nourrit un fantasme de simplicité et de transparence) (témoin l'exergue des Confessions Intus et in cute = à l'intérieur et sous la peau).
Son état de nature je le vois comme l'épisode zéro, le moniteur de la série histoire de l'humanité. Il présente tout ce qui est fondamental (cf le terme dans citation infra), mais au sens logique plus que chronologique.
La question n'est pas l'accès à la réalité des commencements, mais une proposition narrative qui soit opératoire dans la réalité actuelle.
On dira : quelle différence avec un mythe religieux ? La différence c'est que Rousseau n'est pas dupe, en tous cas ici il n'est pas le mytho qui se raconte l'histoire du bon sauvage. La fiction de l'état de nature dans Du Contrat social s'inscrit seulement en tant qu'hypothèse de départ pour la démonstration.
« Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant*. » Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution.
(Livre I,6 Du pacte Social)
*Auparavant : ce terme dit bien qu'il s'agit juste de borner un temps logique, entre un temps hors contrat et un temps selon le contrat.