Rousseau n'ambitionne pas d'écrire un thriller, il énonce donc d'emblée sa solution.
Si donc on écarte du pacte social ce qui n'est pas de son essence, on trouvera qu'il se réduit aux termes suivants : chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.
(I,6 Du pacte Social)
Avant de se lancer dans la démonstration, il faut en bonne méthode définir les termes qui y seront utilisés. Rousseau termine le chap 6 par une liste bien fournie (il n'écrit pas de thriller, mais effrayer le lecteur ne lui fait pas peur).
Cette personne publique qui se forme ainsi par l'union de toutes les personnes prenait autre fois le nom de Cité, et prend maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. (C'est lui qui souligne).
À l'égard des associés ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s'appellent en particulier citoyens comme participant à l'autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l'État.
Mais ces termes se confondent souvent et se prennent l'un pour l'autre ; il suffit de les savoir distinguer quand ils sont employés dans toute leur précision.
Il suffit, et ajoutons : il faut. Car la distinction est en effet essentielle, en particulier pour comprendre ce qui légitime ou pas un pouvoir en démocratie.
Rousseau précise en note le vrai sens du mot cité s'est presque entièrement effacé chez les modernes (…) ils ne savent pas que les maisons font la ville mais que les citoyens font la cité.
La cité n'est pas (ou pas seulement) un ensemble géographique, ni un groupement tribal, c'est un lieu symbolique. La question n'est pas de faire corps au sens matériel, mais de faire corps politique.
Le contrat social s'inscrit ainsi radicalement en faux contre un nationalisme plus ou moins ethnique fondé sur une essentialisation du peuple et/ou de sa terre.
Le mot peuple est la nomination sous laquelle on se reconnaît adhérent à l'association qui politise les individus en citoyens. Ni plus ni moins.