Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Une autorité d'un autre ordre

Il faudrait des Dieux pour donner des lois aux hommes. (II,7 Du législateur)

Formule commentée ainsi : dans le travail législatif Il y a mille sortes d'idées qu'il est impossible de traduire dans la langue du peuple.

Pourquoi cette impossibilité ? C'est un point de vue qui néglige les vues trop générales et les objets trop éloignés car il émane de l'individu ne goûtant d'autre plan de gouvernement que celui qui se rapporte à son intérêt particulier.

En fait Il faudrait (…) que l'esprit social qui doit être l'ouvrage de l'institution présidât à l'institution même, et que les hommes fussent avant les lois ce qu'ils doivent devenir par elles.

(Tu l'as dit JJ) (quadrature du cercle pour toute société).

Le premier point désigne une difficulté non pas exactement culturelle, mais plutôt médiatique. Il faudrait que se forme une opinion réellement publique.

Le second point souligne le risque d'aporie éthique de la démarche du contrat social (déjà relevée cf Un changement très remarquable).

Rousseau aborde ici frontalement ces difficultés pour donner cette réponse :

Ainsi le Législateur ne pouvant employer ni la force ni le raisonnement, c'est une nécessité qu'il recoure à une autorité d'un autre ordre, qui puisse entraîner sans violence et persuader sans convaincre.

Cette raison sublime qui s'élève au-dessus de la portée des hommes vulgaires est celle dont le législateur met les décisions dans la bouche des immortels, pour entraîner par l'autorité divine ceux que ne pourrait ébranler la prudence humaine, dit-il, citant Machiavel à l'appui.

Remarquons bien dans quel sens ça marche. La bouche des immortels n'est là que pour servir de canal à la raison sublime. Ce n'est pas de religion qu'il s'agit mais de l'appui d'une superstructure idéologique.

Car il ne faut pas de tout ceci conclure que la politique et la religion aient parmi nous un objet commun, mais que dans l'origine des nations l'une sert d'instrument à l'autre. (Et pas que dans l'origine, comme le prouve la géopolitique contemporaine)

(JJ développera la question au dernier chap du livre).

Robespierre* quant à lui, confronté à l'aporie notée ci-dessus, sans doute plus rousseauiste que Rousseau, cherchera un possible étai pour la vertu citoyenne dans le culte de la Raison et de l'Être Suprême.

Au total l'intérêt de ce chapitre essentiel, pivot de toute la mécanique du livre, est de désigner le paradoxe irrésolu de la loi en démocratie : transcender les intérêts particuliers sans leur être hétérogène. Poser un ordre autre, mais non aliénant.

 

*L'occasion de conseiller au lecteur le passionnant Robespierre, sous-titré l'homme qui nous divise le plus, de Marcel Gauchet (Gallimard 2018)

 

Les commentaires sont fermés.