Quand l'État se dissout, l'abus du Gouvernement quel qu'il soit prend le nom commun d'anarchie.
En distinguant, la Démocratie dégénère en Ochlocratie, (gouvernement de la multitude) l'Aristocratie en Oligarchie.
(III,10 De l'abus du Gouvernement et de sa pente à dégénérer)
La dégénérescence (filons la métaphore biologique) provient de l'expression d'un gène qui perturbe le programme ADN du corps social (cf note Son moi commun).
Or notre démocratie représentative est, si l'on utilise les termes de Rousseau, un mixte de démocratie et d'aristocratie élective. Elle présente donc une susceptibilité aux deux dégénérescences.
Première dégénérescence, l'oligarchique : À l'instant que le Gouvernement usurpe la souveraineté, le pacte social est rompu, et tous les simples Citoyens, rentrés de droit dans leur liberté naturelle, sont forcés mais non pas obligés d'obéir.
Rappelons que le Gouvernement est le mode de gestion du pays, on dirait aujourd'hui la gouvernance. La souveraineté est la prérogative du Souverain (qui est lui-même l'entité collective née du Contrat).
Le Gouvernement usurpe la souveraineté quand les chargés de gouvernance (= aristocratie élective) (pour nous gouvernement et parlement, élus locaux, auxquels on peut ajouter la haute administration) agissent ou décident selon la logique et les intérêts des sous-groupes qu'ils constituent, au détriment de la logique d'ensemble du corps social.
C'est la rupture du contrat venue du haut.
La rupture peut aussi venir du bas, si chaque individu se décrète Souverain.
C'est souvent en opposant la légitimité du "peuple" à la rupture oligarchique du pacte. Sur le thème "c'est eux qui ont commencé".
Les citoyens en multitude (et non plus en corps) vont s'autoproclamer "Souverains", (c'est l'ochlocratie). L'ennui c'est que dans le Contrat social le pluriel du terme est une contradictio in terminis. Le Souverain n'est tel que par la volonté générale.
À multiplier les volontés qui se veulent souveraines (individus ou petits groupes d'intérêt), on atomise la volonté générale, on s'achemine nécessairement au retour à la case départ du hors contrat social : le droit du plus fort, et la lutte insensée de tous contre tous.
On ouvre alors la voie à une anarchie pain bénit pour les aspirants despotes qui posent aux défenseurs de la démocratie. En ces temps de vérités "alternatives" plus c'est gros plus ça passe.