« Tout est opinion (citation de Ménandre). C'est évident et l'intérêt du propos l'est aussi, si on le goûte dans les limites de l'opinion. »
(Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même II, 15)
Le mot d'opinion est un de ceux qui reviennent souvent dans ces Pensées. Le terme employé, hypolepsis, implique l'idée d'un « en-dessous ».
Il dit la difficulté de prendre les choses sans filtre, sans parasitage d'images, de paroles, d'a priori de toutes sortes. Parasitage nuisible à l'intelligence des choses et des situations, au bon commerce avec autrui, à la pertinence des actions.
Montaigne pointe souvent, lui aussi, cette difficulté, usant du même terme (exemple entre cent, le titre Que le goût des biens et des maux dépend en bonne partie de l'opinion que nous en avons. Essais I,14).
L'un et l'autre notent et explorent l'interaction entre opinion et imagination.
Et en effet il s'agit bien, avec la force de l'opinion, de l'assignation à ce que Lacan appelle le mode Imaginaire (décrit aussi par Sartre) : la perception de soi passe par l'image que renvoie le miroir du semblable humain (pour le meilleur ou le pire).
Avoir une opinion, c'est avoir un avis. Qui mène souvent à devoir opiner ou pas, se déterminer, prendre parti. Comme le montrent les sondages d'opinion, dans lesquels le fameux sans opinion révèle au fond plus souvent l'absence d'adhésion que d'avis.
Ici ce que l'on ne peut manquer de goûter surtout, c'est la finale bien aphoristique en forme de concetto. On sourit, on respire : force de l'humour qui vous relaxe de l'assignation à l'opinion, vous permet de prendre du champ avec le regard supposé de l'autre.